Les Indestructibles
7.1
Les Indestructibles

Long-métrage d'animation de Brad Bird (2004)

« What does anyone in this family know about normal ? »

Si l’idée de faire un film d’animation sur la thématique des super-héros n’aurait rien eu de singulier quelques années années plus tard, en 2004 c’était un choix encore un peu original pour les studios Pixar et pour Brad Bird, premier réalisateur extérieur au studio en charge de l’un de leurs projets alors qu’il venait de réaliser le chef d’œuvre Le Géant de Fer. Les aventures de la petite famille Indestructible, récompensées par l’oscar du meilleur film d’animation en 2005, m’ont beaucoup plus étant jeune mais c’est avec un regard plus adulte et critique que j’ai revu ce film pour en rédiger cet avis.


Si la société présentée au début du film semble bien marquée par l’existence publique de super-héros divers et variés, l’intrigue évolue de telle sorte que l’on se retrouve plutôt dans un monde humain contemporain tout ce qu’il y a de plus banal, d’ailleurs souvent aux antipodes des personnalités présentées en tout début de film pour marquer la différence entre ce que l’on veut être réellement et ce vers quoi la société nous amène, nos rêves idéalistes et la froide vérité. C’est le train-train quotidien d’une famille aux enfants en crise d’adolescence qui s’entendent comme chiens et chats, de la femme au foyer qui aimerait se sentir un peu plus soutenu par son mari, du père de famille qui s’ennuie à son travail et doit réfréner ses envies de liberté…


Devenir, ou plutôt redevenir, un super-héros s’illustre alors comme quelque-chose d’extraordinaire au sens propre du terme et ça renforce l’aspect cool de la thématique principale du film, à grand renfort de clins d’œil à des gadgets ou mise en scène de James Bond ou de Mission Impossible à l’occasion. Parce qu’être cool et divertissant c’est vraiment son ambition première, c’est un divertissement familial d’abord et avant tout et c’est à la fois ce qui en fait toute son efficacité mais aussi toutes ses limites. L’efficacité tient d’abord du fait de ses scènes d’action très bien mises en scène avec beaucoup d’idées originales pour combiner les différents pouvoirs de nos héros et les situations complexes dans lesquelles ils se retrouvent pour que chacun ait ses temps forts et ses difficultés, proposer des mises en danger tout à fait crédibles…


Et ensuite, c’est aussi le théâtre de bien des gags burlesques qui prêteront nécessairement à sourire. Là encore, la plupart d’entre eux se retrouvent dans le concept central du film, l’extra-ordinaire jaillissant dans un monde ordinaire et inversement : Mr Indestructible pouvant se bloquer le dos en plein combat parce qu’il est un peu rouillé à ce moment de l’intrigue ou encore s’appuyer si fort sur la carrosserie de sa voiture qu’il la déforme en glissant bêtement. C’est un humour qui marche bien, qui rappelle constamment l’univers et le ton du film, qui ne devient jamais vulgaire ou trop facile...


Mais j’ai dit plutôt que tout ça s’accompagnait de limites et pour moi les premières sont traduites par les prétextes un peu grossiers qui font évoluer l’intrigue, les raisons qui ont poussé au déclin des super-héros, les origines des motivations de l’antagoniste principal… Ça s’accorde très bien avec l’état d’esprit général du long-métrage et ce sont des choix très cohérents, les codes de ces univers de super-héros (au cinéma comme ailleurs) sont repris constamment avec auto-dérision, les poses excessives, les costumes voyants, les pseudos idiots, les punchlines grotesques, les monologues interminables… et c’est ce qui fait l’aspect divertissant mais un peu bas de plafond du récit à mon sens.


John Bird en parle en ces termes que je trouve assez révélateur dans leur ambiguïté.


On voulait faire les choses de façon excessive, mais pas caricaturale, la séparation entre les deux étant vite franchie. On ne voulait pas que ce soit kitsch, on voulait montrer qu’on croyait en ce monde autant qu’on voulait s’amuser de son absurdité.


J’ai le sentiment qu’en essayant d’être dans ce rendu excessif mais non caricatural, il parvient de bien belle manière à divertir, sans pouvoir prétendre à autre chose. Ça n’en fait absolument pas un défaut et c’est peut-être même ce qui fait que j’apprécie toujours revoir ce film d’animation mais aussi ce qui fait que je ne peux pas le considérer comme étant davantage, ne cherchant jamais à aborder des thématiques complexes ou à véhiculer des émotions fortes comme il pouvait le faire avec brio dans le Géant de Fer.


D’ailleurs, on retrouve certains clichés du rêve américain qui me frustrent toujours un peu : la réussite professionnelle et le confort matériel qu’elle apporte soient vus positivement, le fait que l’homme travaille dur pour combler de cadeaux sa femme au foyer qui est fière de lui... mais il y a un certain second degré qui s’en dégage et j’aime à croire que ces clichés sont établis aussi pour être a minima déconstruits par la suite, du coup je n’en tiens pas tant rigueur que ça. Par contre, pour le côté émotions fortes là il n’y a vraiment que peu de tentatives à ce niveau-là en dehors de quelques mises en danger très éphémères.


Mais davantage, il l’est nettement quant à à son rendu visuel, d’un point de vue technique comme esthétique. Il s’agit du premier film de Pixar mettant en scène principalement des humains, le défi technique pour animer tout ça correctement était bien tendu et pourtant parfaitement relevé. Que ce soit les déformations d’Elastigirl qui sont très prononcées sans jamais devenir choquantes, les longs cheveux de Violette qui ondulent en mouvement, les animations faciales qui traduisent toute une palette d’émotions, le faux effet lenticulaire qui illustre une image numérique supposément 3D, l’éclairage rougeoyant qui est projeté autour de magma en fusion… le film est une démonstration technique de tout instant.


On dirait presque qu’ils faisaient exprès de faire ce qui était réputé comme difficile simplement pour montrer que eux, animateurs de chez Pixar, les meilleurs des meilleurs, ils y arriveraient là où tous les autres auraient contourner ces défis pour un gain de temps et d’argent. Par exemple, l’infographie demande beaucoup de travail pour animer le mouvement des cheveux, pour simuler une explosion, pour reproduire la texture très spécifique d’un tissu humide, pour paraître se retrouver dans un milieu subaquatique… et il y a une scène d’explosion sous l’eau où l’on voit le personnage couvert de tissu nager à toute vitesse avec ses cheveux animés en conséquence.


Et si les environnements urbains ne sont pas très dépaysants en soi, d’autres s’en chargent très bien pour compenser comme l’environnement de la jungle qui est très vivant et l’exotisme qui s’en dégage qui est très plaisant à travers ses eaux d’un bleu saphir, sa verdure si dense… en combinaison avec toutes les technologies futuristes qui s’y intègrent. De façon très scolaire mais efficace, les couleurs dominantes des scènes reflètent les ambiances voulues : une même ville sera montrée ensoleillée et animée alors que le héros y gambade fièrement, tout allant bien pour lui à ce moment du récit, ou alors sera montrée dans des couleurs désaturées avec l’expression la plus blasée qui soit pour notre héros quand le récit appuiera sur son ennui quotidien.


Sur le plan sonore, les doublages français comme anglais sont de qualité même si j’avoue avoir peut-être une légère préférence pour les voix françaises. Les doublages orignaux sont très bons mais aucun ne se démarque particulièrement dans les rôles principaux, en dehors peut-être de la voix d’Holly Hunter pour Elastigirl, alors que du côté des doublages français on retrouve notamment Mark Alfos (doubleur attitré de Russel Crow) et Deborah Perret (doubleuse récurrente de Cate Blanchett), même des doubleurs que je n’aime pas trop d’habitude comme Bruno Salomone qui rend le grand méchant aussi irritable qu’il doit l’être.


L’OST composée par Michael Giacchino, ayant alors plus d’expérience dans le milieu du jeu vidéo avec la saga des Medal of Honor, s’accorde très bien avec le ton du film pour souligner l’aspect burlesque d’un gag, cool d’une mise en scène… sans jamais non plus briller, un peu comme l’écriture. On notera par contre que le film met en avant ses propres musiques assez subtilement, comme en faisant fredonner les thèmes de personnages par les mêmes personnages eux-mêmes lors d’une scène de transition, c’est un petit détail sympathique. C’est d’ailleurs dans son utilisation que la musique sera souvent la plus efficace, comme le tempo qui accélère en même qu’une scène d’action s’intensifie.


Les Indestructibles est un film d’animation très divertissant et une magnifique démonstration technique du début des années 2000, confirmant les ambitions de Pixar de jouer dans la cour des plus grands films d’animation en terme de budget et de box-office en maîtrisant complètement la 3D et en repoussant même ses limites constamment. Ça ne sera peut-être pas l’un de mes Pixar préférés mais un film qui m’aura beaucoup diverti enfant et devant lequel je passerai toujours un bon moment, peut-être ce qu’il a toujours été destiné à être.

damon8671
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le 28 mars 2020

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