Le mythe du remake inférieur à son modèle original a la vie dure, pour sûr, une ribambelle d'exemples en tous genres attestant ce phénomène au point de légitimer par la même occasion un jugement, bien souvent, hâtif.
Long-métrage policier référence du cinéma hongkongais, Infernal Affairs eut sans surprise droit à son adaptation hollywoodienne, à ceci près qu'elle échoua pour le meilleur entre les mains d'un certain Martin Scorcese : a posteriori, le projet devait être sacrément alléchant, quoi de mieux en ce sens pour espérer une vision respectueuse mais aussi neuve d'un univers en valant la chandelle ?
Certes, le principe même du remake s'enlise d'emblée dans la redite scénaristique, à un degré moindre selon les cas, aussi The Departed n'échappe pas à la règle : toutefois, son déplacement judicieux de l'intrigue de Hong Kong à Boston fait sens tant le décor de la mafia irlandaise pose, de bout en bout, un cadre éminemment cohérent, celui-ci illustrant alors avec la manière la proposition savoureuse faite par Master Scorcese.
En fait, on pourrait dire que la réussite d'un remake tient en l'effacement des limites qu'impose sa nature propre : ici, le film du cinéaste américain parvient à produire l'illusion d'une œuvre inspirée, atypique même, et dotée d'une signature formelle comme atmosphérique happant le spectateur, dont la perception originelle de l'étiquette "remake" n'a de cesse de décroître ; parler d'illusion ne rend ainsi pas hommage au tour de force qu'est The Departed, tant il outrepasse avec une aisance folle le carcan que l'on pouvait lui adjoindre d'entrée de jeu.
Tout ceci pour dire que ce dernier propose une peinture à la fois fidèle et innovante du long-métrage d'Andrew Lau, au point de n'avoir nullement à rougir de ses prétentions au sein d'une filmographie majeure du Septième Art ; armé de codes lui étant propres, ce récit haletant impose un rythme diabolique couplé à une mise en scène justement dynamique, son montage électrique et une BO survitaminée (mais pertinente) abondant en ce sens.
L'apport jouissif de thématiques notoires parachève ce tableau grinçant comme exubérant d'un jeu de dupe sanguinolent, la violence décomplexée qu'insuffle Scorcese à The Departed s'arquant en grande partie autour d'un Frank Costello en roue libre (Jack Nicholson était l'homme de la situation) ; pour sa part, le tandem d'antagonistes que forment Costigan et Sullivan tire également son épingle du jeu, le brossage consciencieux de leurs personnalités respectives témoignant de figures hautement captivantes et, malgré une propension antihéroïque certaine (surtout le second), suscitant un intérêt des plus conséquents quant à leurs devenirs (que l'on devine peu festifs).
L'immanquable Digman est également un putain de rayon de soleil injurieux, la prestation surprenante de Mark Wahlberg y étant forcément pour beaucoup, tandis que l'on ne peut que féliciter le casting dans sa globalité (DiCap' assure) ; pour le reste, le long-métrage a beau meubler correctement ses 2h30 de pellicule, il ne propose au final pas beaucoup plus de ressorts scénaristiques que son homologue asiatique, plus concis comme efficace dans la durée.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, The Departed demeure une alternative des plus sérieuses, au point d'illustrer avec fort brio que la cause du remake, injustement perçu aujourd'hui, peut réserver de belles surprises.