Tiré d’une histoire vraie, Les Innocentes nous embarque dans la vie
tourmentée de ces nones polonaises que la guerre a martyrisées et violées.
Destins croisés de ces femmes et de Mathilde Beaulieu, devenue malgré elle
leur accoucheuse attitrée, et tenue au secret sur ces terribles évènements.
Après Louise Bourgoin en demi-putain dans la Fille de Monaco, Audrey Tautou en future reine
de la mode dans Coco avant Chanel, Anne Fontaine réalise Les Innocentes, son quinzième long métrage, des nones d’après-guerre violées par des soldats soviétiques. La logique n’est pas évidente mais qu’importe, pourvu qu’on ait l’ivresse d’un bon film.
SYNOPSIS
1945 – C’est la fin de la guerre en Pologne comme ailleurs. Mathilde Beaulieu y
travaille comme jeune interne à la Croix Rouge française dans un hôpital de
fortune. A quelques encablures du village où elle travaille, un couvent de nones
bénédictines que la guerre n’a pas épargnées et pour cause, certaines sont
enceintes des soldats russes qui les ont violées. Entendant l’appel au secours de
l’une de ces nones innocentes, Mathilde la jeune interne communiste athée va
les aider à accoucher. Alors que le culte du secret fait loi, Mathilde va côtoyer et
se lier d’amitié avec ces femmes en dépit de tout ce qui les oppose dans la vie.
Les Innocentes est d’abord et avant tout un film sur la foi et ses contradictions.
Violées par le « libérateur » soviétique, ces nones enceintes portent en elles la
négation indélébile de leur chaste dévouement à Dieu. Anne Fontaine va ainsi
porter à l’écran cette impossible réconciliation entre d’un côté leur foi stricte et
codifiée symbolisée par la mère supérieure du couvent et de l’autre les
irréparables évènements intervenus.
En magnifique trait d’union de ces contradictions, la jeune Mathilde interprétée
par la ravissante Lou LaAge, interne à la Croix Rouge française que tout oppose
à ces femmes de religion. Fille de parents communistes, athée et indépendante,
elle va devenir l’alter ego nécessaire, la pièce manquante à ce puzzle divin. Belle
performance pour Lou, qui incarne avec pudeur et sensibilité cette accoucheuse
du corps mais surtout de l’esprit. Son duo amoureux sans lendemain avec
Vincent Macaigne, le docteur fol d’amour de l’hôpital, nous apporte cette petite
touche de romantisme et d’humour pétillant nécessaire à ce film au sujet si
grave.
L’autre réussite de ce film tient à la profondeur de la réalisation d’Anne
Fontaine qui a su mettre en relief deux mondes opposés que la condition
humaine rapproche. Sans tomber dans le cliché ni la caricature, la réalisatrice
habille subtilement ses personnages, par petites touches, comme un peintre
avec sa toile, pour les ériger en totems des univers auxquels ils appartiennent.
Tantôt nous voyons une Mathilde Beaulieu émancipée, effrontée, batifolant,
tantôt des nones au cloîtrées, apeurées, aux ordres d’une mère supérieure
prête à tout pour sauver les apparences. Ce qui les unit ? Ce sont toute des
femmes, toutes des Innocentes, face à la violence.
Enfin le scénario est suffisamment rythmé et cadencé pour que Les Innocentes
évite l’écueil de la monotonie et de l’ennui, reproche qu’on pourrait faire à ce
genre de film grave et sérieux. Mais pas de ça ici, on rebondit d’un monde à
l’autre au fil des incursions secrètes et journalières de Mathilde. Dès lors nous
assistons à l’apprivoisement progressif des deux univers au fur et à mesure que
le dialogue s’installe.
Bon seul reproche qu’on peut faire à Anne Fontaine, 15, 20 minutes en trop
avant le dénouement de ce film d’1h50, qui font (un poil) dégonfler ce
merveilleux soufflé filmique. Petit péché de gourmandise pour la réalisatrice
dont on sent que le sujet a tenu à cœur. Mais pas d’inquiétude Anne, vous êtes
pardonnée, pour cette fois en tout cas…