Les lois de l’attraction est un film un peu curieux dans sa forme, tout à fait cohérent dans son fond. C’est tout d’abord son montage, qui flirte avec l’expérimental par endroits (la présentation des personnages), et qui se livre à une généralisation de l’absence d’investissement dans les relations humaines. Tout tend à souligner le vide qui entoure les personnages. Car ils existent tous, ont tous des goûts, des sentiments, des attentes… Mais incompatibles, ou tout simplement déphasés avec ce que la personne en face a en tête. Il suffit d’avoir une attente, de se créer un seul espoir fondé sur l’autre, non fiable par nature, pour être sûr de souffrir et d’être déchiré. Mais pourquoi cet acharnement à souffrir ? Pourquoi cet entêtement à s’investir et à rechercher des relations humaines intenses, au-delà de la simple baise du vendredi soir ? Parce que le poids de la solitude est trop fort. Parce que se sentir seul au milieu de la foule, c’est une angoisse connue de tous qui remet en question directement le but de l’existence et la remise en question des choix qu’on a fait. La société ne peut pas juste exister pour susciter un confort individuel… Ou peut être que si. Peut être pour rester simplement dans sa bulle, avoir des désirs de supermarchés, voir la profusion humaine que propose la foule, faire son choix, bouffer et passer à autre chose. C’est la philosophie, le credo des Lois de l’attraction. Lauren sortait avec un étudiant, actuellement en voyage en Europe (dont il profite pour vivre en parfait célibataire coureur de jupon), et s’enfonce dans la morosité en désirant de plus en plus perdre sa virginité (c’est la séquence de sa présentation, autant dire l’une des plus trash du film). Paul est un jeune homosexuel qui a le malheur de craquer pour Sean, ressentant son ambivalence, sans avoir perçu que ce dernier était un vampire émotionnel qui se sert des émotions des autres pour orienter son existence sans jamais s’investir (de l’art de faire des promesses implicites en prétendant plus tard ne jamais les avoir faites). Chacun à leur manière, en créant des interactions différentes avec leur entourage, prend conscience de son incapacité à toucher l’autre (pour les deux premiers) ou de la vacuité de son comportement pour Sean, sans qu’une alternative ne soit possible. On ne change pas sa façon de fonctionner, même quand elle fonctionne aux dépens des autres. Le film a un procédé un peu virtuose pour tenter de souligner cette inéluctabilité : l’accéléré inversé. Les séquences ouvrant le film y ont toutes recours, et leur grâce artificielle (très très fortement créée par l’incroyable musique de Tomandandy, une merveille d’exercice de style, qui en utilisant des sonorités passées à l’envers suggère des mélodies mélancoliques) implante d’office l’idée d’une totale absence de changement. Alors dans le cadre des études, le film souligne le vide de ces soirées beuveries où l’attraction sexuelle est le moteur numéro 1, de la vie universitaire qui laisse les étudiants désoeuvrés, de ces conversations où un type qui y croit balance quelque chose de profond, avec conviction, qui ricoche sur l’indifférence de son auditoire. L’identification du spectateur fera ensuite le reste, il déterminera quelle histoire est la plus cruelle. Cependant, ce film est loin d’être parfait. Le terreau généreux sur lequel il pousse part à plusieurs reprises dans des digressions qui semblent allonger le film plutôt que l’approfondir (avec le dealer de Sean notamment, ou encore la séquence hôpital avec les amis de Paul, un peu fiotte sur les bords pour montrer que l’amitié n’est rien qu’un communautarisme arrangé par les circonstances). Quelques séquences, à la cinéphilie revendiquée, font également plus valeur ajoutée que tentative originale (split screen dePalmien, partouze en masque kubrickienne…). Et au milieu, quelques séquences fantasmes (le seul split screen authentiquement intéressant du film montrant Paul à la fois en train de se masturber / d’embrasser Sean où on ignore lequel est en train de se produire jusqu’à la fin de la séquence, les interventions iconoclastes de l’ami Richard dans les repas mondains). En fait, le monde est plus supportable en vivant comme Lara, la collocatrice de Lauren. Elle au moins a des fantasmes à son niveau, profite pleinement du climat et reste heureuse dans sa bulle. Les lois de l’Attraction, le grand manège qui tourne, qui tourne, sans que ses wagons ne se rapproche pour autant…
Voracinéphile
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le 2 oct. 2014

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