Encore une fois un film sur la banlieue qui se transforme en conte idéologique !
Un lion, un drone, un enfant à la cicatrice, un vieux sage, et autour de cela, des personnages archétypaux dont on pressent toutes les actions. Le Magicien d’Oz n’est pas loin !

Les premiers instants du film sont plutôt attachants même si la promesse d’un été chaud et caniculaire n’a pas été tenue à l’écran. La curiosité du spectateur se confond malgré tout avec celle de Ruiz qui voit défiler une galerie de personnages sympathiques et rocambolesques (l’élagueur sorti de prison, la commissaire divisionnaire...). La tension monte peu à peu dans un crescendo astucieux durant lequel le spectateur est tenu en haleine par des scènes d’action pure (poursuite, perquisition, enquête, duel de bandes...) ou encore cette revisite du Bon, la Brute et le Truand, lorsque tous les principaux personnages seront réunis dans le snack pour faire main basse sur la carte mémoire de Buzz.

Mais finalement, l’ambiance pesante du film positivement remarquée dans les précédentes critiques n’est due qu’au comportement excessif de Chris, voyant en la BAC, le prétexte de sa volonté de puissance.
Les enfants de Montfermeil eux jouent, avec des pistolets à eau ou au foot, et malgré quelques menus larcins, semblent être relativement en paix. La vision est volontiers manichéenne et plutôt malhonnête : les enfants et les mères de famille contre les trentenaires-flics sur les nerfs et les gitans revanchards. Exit donc le trafic, les dealers, les guetteurs qui représentent pourtant l’essentiel des interventions musclées de la BAC. Quasiment aucun jeune entre 20 et 30 ans n’apparaît à l’écran. Ce seront trois jolies jeunes filles attendant le bus qui passeront pour les baron(e)s de la drogue.
La bavure de Gwada est également dérangeante dans la mesure où elle n’est jamais réellement justifiée ni cinématographiquement (aucun plan ne l’explique), ni idéologiquement comme le prouve cette discussion au bar complètement ratée entre Ruiz et Gwada devant déterminer les causes du geste malheureux.

Par ailleurs, le ton badin du début du film (la discussion sur le lion qui se finit en kebab offert), la vision d’un islam plein de sagesse (entre les frères Musulmans et le gérant du snack « Ali Boumayé » -sic-) et les musiques planantes auraient tout aussi bien pu me conduire à intituler cette critique « PNL au pays des salafistes ».
Car, comme le relève une critique plus bas, il s’agit bien d’un film à thèse. La critique n’épargne pas les grands frères politisés (Le maire), les trafiquants (la pince) et la police, qui seraient vus comme un grand ensemble corrompu ou destructeur empêchant toute expression créative. Aussi, à Montfermeil, seul l’Islam semble conduire à la redemption.

Tout un symbole enfin d’achever le film sur l’expression violente et libératoire de cette jeunesse dont Issa, désormais balafré et encapuchonné (façon Anakin Skywalker) semble être le nouveau messie. Une fin proche du fantasme, répondant à la prédication de Salah, et servant surtout d’exutoire. Comme pour Fight Club ou plus récemment Joker, on pourra regretter cette suggestion de voir en la violence la façon la plus déterminante de faire passer ses idées.

Si le réalisateur Ladji Ly était bien Buzz, ce jeune garçon observateur, timide et geek (dont le rôle est d’ailleurs tenu par son fils), il est aujourd’hui Salah, le donneur de leçon forçant peut-être un peu trop sur les symboles prosélytes.

Franck_Saffioti
5
Écrit par

Créée

le 25 nov. 2019

Critique lue 2.7K fois

18 j'aime

Franck Saffioti

Écrit par

Critique lue 2.7K fois

18

D'autres avis sur Les Misérables

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

Les Misérables
guitt92
5

La haine c'était mieux avant

"Les misérables" est certes un constat d'urgence, un geste politique important qui mène à une conclusion pessimiste et sombre, beaucoup plus qu'il y a 25ans. OK. Mais je suis désolé, ce n'est pas du...

le 20 nov. 2019

124 j'aime

23

Les Misérables
Velvetman
7

La Haine

Ce n’est que le deuxième jour du Festival de Cannes 2019. Cependant, un souffle de fraîcheur surgit précocement. Les Misérables de Ladj Ly fait l’effet d’un immense coup de boutoir aussi rare que...

le 13 nov. 2019

88 j'aime

1

Du même critique

La Vie scolaire
Franck_Saffioti
4

Marchandise trompeuse

En lisant les interviews de Grand Corps Malade au sujet du film, on en perçoit les écueils. Toutes les idées avancées aussi intéressantes soient-elles souffrent en effet d’un empilement gênant. La...

le 1 sept. 2019

26 j'aime

3

Les Misérables
Franck_Saffioti
5

Symbolisme forcené

Encore une fois un film sur la banlieue qui se transforme en conte idéologique ! Un lion, un drone, un enfant à la cicatrice, un vieux sage, et autour de cela, des personnages archétypaux dont on...

le 25 nov. 2019

18 j'aime

La Passion de Dodin Bouffant
Franck_Saffioti
7

Délices d’antan

Le film, qui a déjà eu l’audace de rendre bien fade mon repas d’après-projection, m’a poursuivi jusque dans mes rêves ! Essayons de le chasser de mon esprit par la critique.Tout s’ouvre sur un ballet...

le 12 nov. 2023

2 j'aime