On ressent, à chaque plan, combien Les Nuits avec mon ennemi détient un potentiel dramatique incroyable. Cette histoire terrible, récit en creux d’un affranchissement sur fond de violences conjugales et de masculinité triomphante, avait tout pour convaincre. Un bon casting, de surcroît, qu’une belle partition signée Jerry Goldsmith accompagne avec talent. Le problème ? Joseph Ruben est derrière la caméra… Responsable notamment du très médiocre Mémoire Effacée en 2004, le réalisateur bute ici sur deux écueils majeurs : son incapacité à donner de la profondeur émotionnelle à ses protagonistes, son absence totale de subtilité tant scénaristique que visuelle. Tout est d’une lourdeur ! L’homme est méchant, la femme un agneau innocent. L’homme écoute de la musique classique et viole sans arrêt, la femme va ramasser des coquillages. Dans ce combat entre le Mal et le Bien, Ruben échoue pourtant à épaissir la psychologie de son couple principal contraint, pour arriver au bout de l’intrigue, de débiter des dialogues d’une grande bêtise. Ce déficit de sensibilité fait tomber le film dans le ridicule lorsque, au cours de segment final, les retrouvailles s’effectuent à grand renfort de serviettes mal accrochées et de boîtes de conserve mal rangées. Si Les Nuits avec mon ennemi demeure attachant, ce n’est en raison que de la puissance sourde de son scénario alliée au plaisir de retrouver Julia Roberts. Un grand film, en creux.