En revoyant Les oiseaux aujourd’hui on se dit inévitablement que c’est le père d’un certain cinéma catastrophe, apocalyptique, autant dans sa mécanique et ses motifs que dans sa construction. Et peut-être aussi parce qu’il est plus facile aujourd’hui d’effectuer un parallèle terroriste quand on a souvent évoqué dans les diverses analyses autour du film cette évidente parabole de la Genèse. Les oiseaux chez Hitchcock ont cette particularité d’attaquer progressivement, d’abord en tant qu’élément isolé (la séquence de la barque) puis en meute voire en espèces mélangées. Le cinéma nous habituera très vite aux créatures les plus terrifiantes, souvent en environnement humide (Requin, piranhas, orque) ou fantasmatique (Gremlins, Godzilla, Kong). Hitchcock choisit simple, il choisit l’oiseau, un animal de notre quotidien, un élément du décor. Et il choisit un lien sécurisé, en apparence tout du moins. Et le film se déroule intégralement de jour bien qu’il semble lentement glissé vers la pénombre jusqu’à ce magnifique plan post-apocalyptique final. Le tout sans musique. Zéro musique. La seule musique du film sont les cris intempestifs des volatiles, durant leurs périodes d’attaque. Le film démarrait d’ailleurs dans ce même bruit mais sans encore la présence d’un danger concret, dans une oisellerie. Comme Psychose, trois ans plus tôt, dénudait d’entrée le corps de Janet Leigh, douce prémisse de la future séquence de douche. Le film démarre pourtant presque façon Love story légère, sur la rencontre d’un homme et une femme. C’est l’orgueil du jeu qui guide cette rencontre, avec laquelle le film s’ouvre. Elle fait semblant d’être l’employée du magasin, lui feint de la prendre pour l’employée qu’elle prétend être. Les oiseaux au centre – des oiseaux d’amour – les inséparables deviennent l’instrument de cette rencontre. C’est comme si cet anodin péché allait être la cible d’une répression improbable. C’est d’ailleurs ce qui guide le film, l’improbable. Il faut en effet être solide pour accepter tous les soubresauts du scénario pré première attaque, qui voit Tippi Hedren s’échouer sur l’île d’une ville paumée en périphérie de San Francisco (ressemblant davantage à un village écossais) pour offrir des oiseaux à la fille de l’homme en question. Avant d’accepter de la voir louer une barque qu’elle accoste seule puis rame de ses talons hauts et tailleur court. On serait presque tenté de croire qu’elle est déjà habitée par les oiseaux tueurs. A la manière des profanateurs de sépultures. Elle est guidée par une force invisible vers le danger. A l’image de la séquence d’évacuation de l’école. C’est une sorte d’instrument de la rébellion et donc forcément liée (la radio le confirme un moment donné) à faire de la ville l’épicentre d’une épidémie planétaire. Autre chef d’œuvre inépuisable du Maître, hallucinant film apocalyptique, mise en scène à tomber par terre de la première à la dernière seconde, tout en blocs de séquences très étirées avec cette sensation de garder longtemps dans les oreilles après visionnages ces bruits stridents des oiseaux. Le blu-ray est à se faire dessus, vraiment, j’ai flippé ma race comme lors de la première fois. Le dernier plan est une baffe à lui tout seul.
JanosValuska
9
Écrit par

Créée

le 1 août 2014

Critique lue 268 fois

3 j'aime

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 268 fois

3

D'autres avis sur Les Oiseaux

Les Oiseaux
B_Jérémy
10

Une leçon de cinéma !

Je pense que nous avons de sérieux ennuis. Je ne sais pas comment ça a commencé ni pourquoi, mais je sais que c'est là et que nous serions fous de l'ignorer... La guerre des oiseaux, l'attaque des...

le 22 juin 2019

70 j'aime

47

Les Oiseaux
Docteur_Jivago
9

♪♫ And the bird you cannot change ♪♫

J'ai dû attendre une seconde vision pour enfin apprécier The Birds d'Hitchcock et cette troisième ne fait que confirmer ce sentiment-là, le maître du suspense est encore dans son âge d'or lorsqu'il...

le 8 sept. 2016

52 j'aime

22

Les Oiseaux
Ugly
10

La volière infernale

C'est avec quelques années d'avance sur la vague des films catastrophe qu'Alfred Hitchcock avait déniché dans une nouvelle peu connue de la romancière Daphné du Maurier, l'idée de transformer des...

Par

le 15 juin 2018

36 j'aime

15

Du même critique

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

31 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

27 j'aime

6