Ce que je reproche au film, c'est sa bande-annonce qui semble tout montrer et qui dévie considérablement le propos du long-métrage. On s'imagine un groupe de femmes sanguinaires qui jouissent de la douleur d'un homme capturé et torturé jusqu'à la mort alors que l'essence du film est bien plus subtil, complexe et ambiguë. Sofia Coppola signe un thriller d'époque efficace et troublant où le jeu des acteurs semble être le rouage central ainsi qu'un gage de qualité indéniable. En effet, l'interprétation froide de Nicole Kidman, celle plus réservée de Kirsten Dunst, la farouche Elle Fanning et le toujours valeureux Colin Farrell s'agencent parfaitement et créent doutes et suspicions qui ne feront qu'alimenter une fin glaçante. Le rythme est lent et progressif (j'ai cru comprendre que c'est ce qu'on reprochait au film), au contraire ça ne m'a pas du tout gêné car on laisse le temps aux relations de se tisser et à l'ambiguïté de s'installer dans ce huis-clos où le contexte de guerre nourrit la crainte et la méfiance face à l'inconnu. Dans un cadre d'éducation où on tente de préserver l'innocence des jeunes filles tout en les préparant aux rigueurs du dehors, sans oublier l'omniprésence et la force de la religion, l'arrivée imprévue d'un soldat sudiste (en d'autres termes, l'ennemi) vient bouleverser la foi mais aussi les désirs de ce groupe de femmes aux âges divers vivant recluses dans un grand manoir. Des rivalités naissent ainsi que de la jalousie, venant ainsi compléter subtilement la palette d'émotions dont témoigne Les Proies. La photographie est douce et la musique discrète. Adapté d'un roman et ayant déjà eu une première adaptation cinématographique, ce nouveau long-métrage a su me convaincre par la retenue des acteurs derrière laquelle foisonnent une multitude d'envies refoulées mais aussi par cette atmosphère de moins en moins sereine qui prend place progressivement. Le tout est servi par une mise en scène léchée et par un casting talentueux.