Les raisins de la colère est une adaptation du roman éponyme de John Steinbeck qui décrit les conséquences désastreuses de la crise économique de 1929 dans le sud des États-Unis. Les imbéciles qui continuent à affirmer que John Ford est un horrible réactionnaire feraient bien de voir ce film qui est une des plus poignantes et plus violentes dénonciations de la misère engendrée par le capitalisme américain, capitalisme dont le film fait une description impitoyable. La détresse terrible des malheureuses familles, chassées de leur ferme par les banques, déplacées, exploitées (enfants y compris) par des propriétaires agricoles sans aucun scrupule qui ne pensent qu’au profit, réduites à un état proche de l’esclavage avec la complicité de la police, le discours final de Tom (Henry Fonda), quasi révolutionnaire, et celui de sa mère (Jane Darwell), véritable hymne au peuple, pourraient même faire passer John Ford pour un marxiste ! La vérité est qu’il est tout simplement inclassable. Quant à la forme, le film ressemble souvent à un western, domaine dans lequel John Ford est évidemment un maître, mais il est aussi l’ancêtre des road movies chers au cinéma américain. Le directeur de la photographie, Gregg Toland, manifestement influencé par le cinéma russe, et plus particulièrement par Eisenstein, a fait ici un travail splendide. Quant à l’interprétation, elle est d’une qualité absolument exceptionnelle avec une mention particulière pour John Carradine en pasteur défroqué complètement halluciné. Un véritable chef-d’œuvre ! Pour les nancéiens, le film est disponible en DVD (Twentieth Century Fox Home Entertainment, bonne copie) à la médiathèque de la Manufacture.