La revoyure récente de “La grande évasion” à la télé m’a donné envie de louer le dvd des 7 mercenaires, film de John Sturges que je n’ai pas vu depuis belle lurette. Et je ne regrette pas.


Je me rends compte tout de même qu’une certaine nostalgie joue énormément. Les 7 mercenaires est un de ces films qui ont fait ma cinéphilie enfantine. Les visages de Yul Brynner, de Steve McQueen ou même de Eli Wallach ont durablement marqué l’image de la masculinité, dans sa noblesse comme dans son dévoiement, image que je me faisais du monde des adultes. Sans père, ayant biberonné au cinéma dès mon plus jeune âge, l’élégance et l’assurance que dégageait Yul Brynner dans ce film pouvait se rapprocher d’un modèle pour le petit bambin que j’étais.


Aujourd’hui, je me rends compte que sa démarche féline a quelque chose d’artificielle, de trop appuyée, que le comédien roule des mécaniques aux entournures. Mais sur les scènes où seuls les visages “parlent”, alors sa démonstration est particulièrement convaincante. L’acteur sait jouer, c’est indéniable.


Steve McQueen me semble quant à lui plus animal encore. Il y a une scène où, debout devant une table de craps, il est plongé dans un océan de perplexité, interdit par sa déveine. A cet instant, l’acteur joue de son mystère naturel et de ce sentiment de dangerosité qu’il inspire. Tout en le tournant en ridicule. Il fait donc preuve d’un certain humour sur lui même qui ajoute à son charme naturel une note plus surprenante.


J’aime beaucoup l’ambivalence toutes perverse des attitudes prises par le méchant Eli Wallach. Son comportement n’a rien d’ambigu : sa cruauté est évidente, mais dans son regard se croisent plusieurs sentiments ou pensées. Tour à tour, la curiosité, l’incompréhension, la violence, la colère, l’orgueil se laissent déceler dans ses yeux. Ces variations, très subtilement composées, sont impressionnantes, avec sur le papier un rôle très ordinaire, mais en réalité casse-gueule.


Les autres comédiens ont des rôles plus monolithiques. James Coburn est impassible, mutique : la donne est donc relativement simpliste le concernant.


Charles Bronson est un personnage plus vivant, plus rond, sans angle trop saillant. Il est un père sans enfant et tout se joue sur sa relation aux gamins.


Robert Vaughn est un personnage cassé, torturé par ses démons intérieurs, un peu alcoolo, intéressant également pour la noirceur qui l’habite, au delà de celle de son costume, peut-être un personnage sous-exploité.


Horst Buchholz joue un personnage ingrat : l’ado attardé. Il collectionne les défauts : arrogance, maladresse, infantilisme, insécurité, mauvaise foi et il ne tient pas l’alcool (ouhhhh le nul, pfff, ça se trouve il sent sous les bras et ronfle?). Un peu hystérique sur les bords, il crâne, joue des apparences, mais son évolution se nuance finalement en parcours initiatique. Il aurait pu être irritant, il y échappe de peu. Au final, on peut même le trouver attachant, à défaut d’être original.


Brad Dexter est-il censé apporter une pincée d’humour avec son personnage avide de richesse? Peut-être bien. Une chose est sûre, il n’a rien d’indispensable. On dirait qu’il est là pour faire le nombre et mieux cadrer avec les 7 samouraïs originels.


A ce propos, je crois qu’il serait malvenu de faire un comparatif entre le film original et ce remake. A priori, on pourrait penser c’est une idée judicieuse, même légitime, mais en fait, les films sont beaucoup trop différents. Le traitement des personnages, leurs évolutions, sans parler de la forme, sont totalement différents. Je ne crois pas non plus que ce qui motivait les studios hollywoodiens ait quelque rapport avec les ambitions de Kurosawa. Deux temps, deux mondes, deux films.


Ce qui me plaît aussi, c’est la réalisation de John Sturges. Je remarque rapidement (facilité due à la revoyure toute jeune de “La grande évasion”) un style ou du moins une familiarité formelle, la façon dont la caméra accompagne les acteurs et recherche leurs expressions les plus intimes, mais également la mise en scène en général. Le rythme serein, l’installation d’une atmosphère où les personnalités des héros jouent le rôle essentiel, remplissant en quelque sorte l’image. Sturges capte formidablement l’émotion, sans abuser du gros plan. Une belle variété de cadrages, un montage efficace font vivre le film avec juste ce qu’il faut de puissance. Équilibre, propreté. On note toutefois une belle prise de risque dans la chevauchée du village par les bandits en un long travelling, haletant : seule séquence compliquée techniquement, mais sans rupture avec le reste du film. Cohérence en plus. Le reste du film est somme toute assez académique, mais toujours juste, net et sans bavure.


Pour résumer, j’apprécie la maîtrise du récit, aussi bien par la structure même du scénario que par la mise en scène et la direction d’acteurs. Ce film se suit avec plaisir, tranquillement mais sûrement.


Trombi et captures

Alligator
8
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le 19 juil. 2016

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Alligator

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