Bilan du cycle Kurosawa: Je t'aime, moi non plus!

Voilà, j'ai enfin terminé mon cycle de Kurosawa, à travers ses 16 œuvres les plus célébrées sur SC!
J'avoue que c'était une rude épreuve de se taper des films qui se ressemblent et me font chier d'avance (woarf, ces sempiternels samouraïs ou de ces vieux sages à moitié endormis), un plaisir de découvrir des pépites inattendues (un polar contemporain ou encore un film d'aventures spielbergien) ou encore la joie de confirmer des classiques inattaquables (Rashomon ou Ran, qu'on aime ou pas sont des œuvres indéniablement réussies).
Mon voyage dans l'univers de Kurosawa, c'est un peu tout ça à la fois même si je dois l'avouer, une bonne partie des films visionnés est malheureusement à classer dans la 1ère catégorie (à des niveaux très variables bien évidemment).

Pour commencer en pointant d'abord les énormes défauts, je dirais tout d'abord que le truc le plus agaçant du cinéma du maître japonais est surement son ambition humaniste très maladroite par moments. Lorsque il se dit qu'il va faire UN GRAND film humaniste, on court souvent à la catastrophe: cela donne Barberousse ou pire, Vivre. Le misérabilisme est poussé alors à son paroxysme que ce soit à travers les pleurs casse-bonbons des personnages féminins, la tronche mythique de Takashi Shimura (http://static.eigapedia.com/tag/takashi-shimura.jpg), l'extrême austérité de la mise en scène, le néo-réalisme assommant, la nervosité digne d'un épisode de Derrick ou la leçon de morale à la mord-moi-le-nœud!

Le 2ème point qui fait que je ne serai jamais totalement conquis par ce cinéaste, c'est sûrement cette manie à foutre des samouraïs un peu partout dans ses films et planter la plupart du temps un décor de Japon féodal...à la longue, ça saoule grave!

Ces 2 points que je viens de vous citer sont cimentés par une grosse bête noire inhérente à la plupart des films que j'ai vus de Kurosawa: le rythme! Ce gars a toujours un peu de mal pour resserrer sa narration, la rendre la plus efficace et épurée possible. Il faut toujours qu'il étire inutilement certaines scènes, jusqu'à l’écœurement (je me souviendrais toujours de ces 40 putain de dernières minutes de Vivre où on assiste impuissant à une réunion autour d'une table basse de costards-cravates en train de se bourrer la gueule au saké)! Bref, ses films sont souvent trop longs et auraient mérité d'être amputés d'une bonne 1/2 heure, ou même plus (c'est dommage pour de si jolis films comme Dersou Ouzala gâchés par une durée excessivement longue). Les seuls qui font réellement exception sont Le Château de l’Araignée, L'Ange ivre et Rashomon (aucun bout de gras à ce niveau)!

Attention, ce périple n'a pas été que semé d’embûches. J'ai aussi été agréablement surpris par plein de choses. Par exemple, Akira Kurosawa dans le cinéma d'aventures (La Forteresse cachée), c'est jubilatoire et il a le mérite d'avoir écrit une des plus grandes héroïnes du cinéma (alors que les personnages féminins, ce n'est pas son fort d'habitude). Cette fraîcheur s'oppose radicalement à Kagemusha, pompeux, froid et incroyablement chiant! Ou encore lorsqu'il s'attaque de plein front à une énorme fresque épique du style Ran, c'est visuellement époustouflant et l'épopée est assez marquante! J'aime aussi lorsque Akira me surprend par une idée originale, un concept. Ca peut être un hommage sublime au film noir US (L'Ange ivre), un tour de force narratif (Rashomon) ou une adaptation shakespearienne à peine voilée (Le Château de l'araignée). Ouais bon, lorsqu'il est dans ce genre de prise de risque, ça peut faire qu'il réalise son pire film aussi (Dodes'kaden), faux délire baroque complètement raté mais ça, on va dire que c'est une faute de parcours haha!

Ce qui est marrant, c'est que malgré qu'il exploite un cinéma de genre codifié (film de guerre, polar, thriller), il n'oublie jamais son sous-texte humaniste cher à sa profession de foi et c'est même beaucoup plus fort que lorsqu'il l'impose de façon très explicite comme avec Barberousse, Vivre ou Dodes'kaden!

Tout au long de ses films, Akira a su aussi façonner une icone, en la personne de Toshirō Mifune. Rarement vu un acteur aussi cinégénique, qui impose par son charisme et de son aura dés le 1er plan: c'est un peu le Alain Delon japonais en fait! Il y a aussi Shimura et Nakadai, discrets seconds rôles qui vont peu à peu s'imposer...

Bref, voilà une page de ma vie de cinéphile qui se tourne. Même si c'était souvent dur, que certains visionnages devenaient presque une tâche, j'ai décelé de petites perles, découvert une culture nippone qui m'était étrangère (d'ailleurs, sans Kuro, je n'aurai surement jamais oser tenter le grand Mizoguchi, La Femme des Sables ou l'étonnant Onibaba) et surtout j'étais été subjugué par quelques moments qui resteront gravés dans ma mémoire (Mifune contre les archers dans Le Château de l'Araignée, le kidnappeur déambulant dans une ruelle de drogués dans Entre le ciel et l'enfer, la lueur d'espoir à la fin de Rashomon, le destin tragique de Mifune dans l'Ange Ivre, les compositions picturales dans Ran, les 2 paysans hilarants dans La Forteresse cachée ou la dernière demi-heure ultra émouvante de Dersou Ouzala)!

Rien que pour ça, je ne regrette rien de ce cycle...enfin presque!

PS: Ici, mon classement final et commenté ==> http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Akira_Kurosawa_Je_t_aime_moi_non_plus/341400

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le 20 sept. 2014

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Wobot

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