Les bonnes adaptations d’un matériau initialement apanage de bande-dessinée sont rares. Surtout lorsqu’il s’agit de mettre en scène des succès populaires. Surprise, Les Vieux Fourneaux réussit sa conversion cinématographique : les tonalités chromatiques si particulières se retrouvent ici et confèrent au métrage une lumière étrange, un quelque chose de trop ensoleillé qui surexpose nos vieillards et leur révolte. Car tout semble pris de chaleur et vitesse, et les acteurs et leurs véhicules et le montage, dans une même course à la vengeance source de vitalité et de burlesque. Le film joue ainsi de la mobilité réduite de ses grands papas grincheux, leur refuse une sénilité gratuite pour, en lieu et place, préférer l’excès, sublimer le refus de s’abandonner à son sort pour partager la franche camaraderie. Les trois acteurs principaux révèlent une alchimie comique assez jubilatoire qu’Alice Pol nuance avec intelligence. Derrière le gros rire se cache, en outre, un fond sensible, un tabou qui hante les consciences et brosse un portrait à charge des mœurs rurales, à la fois tacites et violentes. Les quelques partis pris artistiques – stop-motion, séquence en noir et blanc, jeux d’ombres – sont suffisamment pertinents pour donner à l’œuvre un cachet et laisser éclater au grand jour le travail nécessaire à l’adaptation de la bande-dessinée, menée par une vision artistique indéniable. Sur le terrain glissant de l’adaptation, Les Vieux Fourneaux s’en sort avec les honneurs : humour et émotion s’entremêlent et enfantes un pur divertissement honnête et sans prétention. Pari réussi.