Souvenez-vous,1998.A la fin des "Visiteurs 2-Les couloirs du temps",les héros quittent l'époque contemporaine pour s'en retourner au Moyen-Age,mais le sortilège foire et ils atterrissent en plein milieu de la Révolution Française,annonçant ainsi une suite se déroulant à cette époque.Et puis le film ne s'est pas fait,Poiré et ses acteurs préférant finalement tourner en 2001 aux Etats-Unis "Les visiteurs en Amérique",qui sera mal accueilli et semblera signer la clôture de la saga.Alors voir ressurgir ce projet 18 ans après avait de quoi interloquer,voire inquiéter.N'était-ce pas le film de trop?Avec des acteurs ayant beaucoup vieilli,une attente du public qui s'était étiolée,n'était-il pas trop tard pour ressusciter la franchise?Apparemment non.Certes,les redites sont nombreuses,mais c'est la loi du genre.A quoi bon faire des suites si on n'y retrouve pas les bases de l'histoire?Donc revoici Godefroy de Montmirail et son serviteur Jacquouille la Fripouille,à nouveau victimes d'un rituel de sorcellerie qui a mal tourné.Les deux zigotos ont toujours les traits de Christian Clavier et Jean Reno.C'est toujours réalisé par Jean-Marie Poiré et produit par Gaumont,la firme naguère dirigée par le père du cinéaste,Alain Poiré,à laquelle le réalisateur est resté fidèle puisqu'elle finançait déjà son premier film,"Les petits câlins",en 77.C'est toujours écrit par Poiré et Clavier,et Marie-Anne Chazel est encore là,dans un troisième rôle en trois films.Il y a même encore un "sarrasin".Comme d'habitude,l'humour n'est pas des plus délicats et charrie son lot de mauvaise haleine,de merdasse,de dents gâtées et de difformités physiques.Ce qui fait la différence est évidemment le changement d'époque et le charme du paradoxe temporel opère à merveille une fois de plus.D'autant que le choix de la Révolution est très judicieux,cette période marquant la fin de l'aristocratie s'avérant cruciale pour le noble Godefroy et son remuant valet,confrontés à nouveau à leur descendance.Rempli à ras-bord de dialogues tordants,de gags hilarants et de protagonistes barrés style carnaval des allumés,le film file à un bon rythme,même si on peut déplorer qu'à partir du moment où les personnages arrivent à Paris,quasiment toute l'action se déroule dans le décor d'un hôtel particulier,ce qui donne à l'entreprise un petit côté théâtre filmé.Pour ce qui est de la Révolution et de la société de l'époque,les auteurs font preuve de cynisme et d'insolence,renvoyant toutes les parties dos à dos.Les aristos sont lâches,veules,opportunistes et incapables de renoncer à leurs privilèges.Les révolutionnaires sont des dingues sanguinaires et jusqu'au-boutistes,dont l'obsession de pureté confine à la pathologie mentale et préfigure l'ère stalinienne.Le portrait ici esquissé de Robespierre,génialement campé par Nicolas Vaude, est d'ailleurs terrifiant.Quant aux gens du peuple,coincés au centre de ce "bigntz",comme dit Jacquard,ils se montrent arrivistes et tentent de profiter de la situation.On peut aussi voir dans le scénario un arrêt sur image d'une décadence de la société française,qui s'est amplifiée depuis,à travers le fossé séparant Godefroy de sa lointaine famille.Le seigneur de Montmirail fait partie d'une caste d'exploiteurs mais sa noblesse de titre se double d'une noblesse d'âme qui fait cruellement défaut aux fins de race de 1789.Godefroy est avant tout un soldat et un chef de guerre,pétri de courage et d'idéaux,ses "filiaux" ne sont qu'une pitoyable bande de riches en déroute,trouillards et efféminés.Le duo Godefroy-Jacquouille fait tourner la boutique,exécutant son numéro coutumier de clown blanc et d'auguste,rôdé à la perfection.A ce jeu,c'est naturellement le "gueux" interprété par Clavier qui sort le mieux son épingle du jeu.Et le fait qu'ils arrivent d'une époque plus avancée technologiquement augmente la drôlerie des télescopages spatio-temporels.Il faut voir Jacquouille engueuler la soeur de Robespierre,qui bénéficie du meilleur confort possible en ce temps-là,parce que sa salle de bains n'est équipée ni d'eau courante ni d'électricité,ni des appareils qui vont avec.Autour des deux vedettes s'agite une distribution de folie alignant jusque dans les rôles très secondaires des comédiens formidables.Citons les principaux intervenants que sont Franck Dubosc,Karin Viard,Sylvie Testud,Ary Abittan et Alex Lutz.