Ludwig van B.
6.7
Ludwig van B.

Film de Bernard Rose (1994)

Comparer le Ludwig Van B. de Bernard Rose à l’Amadeus de Milos Forman au bénéfice de ce dernier semble être une erreur commune que font beaucoup de cinéphiles et de mélomanes. S’il est vrai que les deux longs-métrages ne jouissent pas tout à fait du même prestige, leurs différences sont pour beaucoup dues aux personnalités diamétralement opposées des deux compositeurs. Il est en effet incontestable que Beethoven à mauvaise presse et traîne comme un boulet cette réputation d’un caractère exécrable, ce qui semble d’ailleurs se confirmer pendant presque la totalité de ce film.

Pourtant, on comprend mieux qui était Ludwig Van Beethoven, dans son film Bernard Rose choisi de faire apparaître le compositeur qui se dissimule derrière le regard des femmes qui l’ont aimé…elles sont nombreuses et fort jolies. Le film, comme beaucoup de ce genre, débute par l’enterrement du maestro et poursuit sur un héritage dont il est bien difficile de savoir à laquelle de ces femmes amoureuses il doit aller. S’ensuit une quête qui doit permettre de découvrir laquelle a été celle qui l’a le mieux aimé. À travers les yeux de chacune d’elles, c’est une parcelle de la vie du compositeur de génie que l’on découvre avec de la surprise, de la colère parfois et souvent de l’émerveillement.

À cause de cette musique, il est toujours difficile de juger de la bande originale de ce genre de film tant il y a peu de mérite à ce qu’elle soit belle et tant elle ressemble à un best of. Il faut tout de même saluer le choix de Sir Georg Solti à la baguette, magnifique chef d’orchestre qui devait décéder deux années après. Ce choix a permis d’éviter la pesanteur des chefs germaniques qui, armés du côté solennel de leur direction d’orchestre, auraient apporté un poids supplémentaire à une histoire qui ne parle que de malheur. On pourrait gloser sans fin sur l’aspect highlights de cette bande originale, mais qu’il est bon de réentendre ces œuvres universelles et qui, même réécoutées à l’infini, ne lasseront jamais.

Tout comme ce personnage de Beethoven, mordant, impitoyable et qui a parfaitement intégré le proverbe « qui aime bien châtie bien ». À voir Gary Oldman évoluer dans le costume, on imagine mal qui mieux que lui aurait pu interpréter un rôle d’une telle envergure et d’un tel poids. Il nous rend à merveille le sentiment d’un homme dur, froid et austère en apparence, mais rongé véritablement par un mal, une douleur intérieure qui n’en fini pas de le détruire et finira, envers et contre tous, par accoucher de la plus grande, de la plus belle des symphonies.

Le personnage fait de plus en plus peur au long du film, on a de la peine pour tous ceux qui ont tenté, depuis sa mort, de réhabiliter le maestro en expliquant sa dureté par un énorme malentendu entre l’homme et son temps. Beethoven apparaît comme le dernier des monstres, capable des propos les plus abjects envers de parfaits inconnus, mais également envers les êtres les plus chers à son cœur. Gary Oldman, c’est prémonitoire, est parfait en petit dictateur éternellement insatisfait et qui n’a l’air de rien savoir faire d’autre que de mépriser son entourage. Puis vient la fin du film, on se dit que l’entreprise de démolition a été parfaitement orchestrée et que décidemment, Beethoven mérite sa réputation. Puis vient la toute fin du film, où l’on découvre que cette amertume qu’il porte comme un manteau trop lourd, vient d’une tragédie sentimentale qui a détruit en quelques instants tout ce qui pouvait rester en lui d’humanité, d’amour-propre et surtout, d’amour pour ses proches.

On se surprendrait presque à pleurer pour lui, quand bien même cela serait sur sa tombe. On sait qu’on ne se relèverait pas non plus de la conviction que la femme qu’on aime nous a arraché le cœur avec les dents. On comprend alors que cette surdité naissante a été pour lui, le compositeur, le coup de grâce porté par un Destin qui avait décidé de faire de lui une victime dans l’unique but de faire naître sa légende.

C’est malgré une narration parfois décousue et un manque de regard sur le travail de composition qu’on fini par s’attacher à cet homme qui, en dépit de son génie, n’aspirait qu’à la même chose que chacun d’entre nous, aimer. Que ce soit au travers d’une femme ou au travers de la musique, il voulait aimer et être aimé en retour. Au final, il n’a fait que provoquer des sentiments contradictoires, de l’admiration, de la jalousie, de la colère, de la vénération mais de l’amour en tant qu’homme, il n’en a que trop peu donné car si peu reçu.
Jambalaya
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le 28 avr. 2013

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Jambalaya

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