Avant toute chose, il faut savoir que j'étais parti pour voir Warcraft. Non pas parce que le film m'intéressait, mais parce que j'en avais surtout marre d'entendre mes potes en vanter les mérites et m'harceler pour que j'aille le voir,. Fort heureusement, j'arrive en retard, et j'ai donc une séance toute prête de Ma Loute que j'ai envie de voir depuis deux semaines !
J'avais adoré P'tit Quinquin de Dumont, qui m'avait tout simplement retourné l'esprit et pratiquement laissé bouche-bée, tant l'univers était nouveau, osé et surtout si inventif. Du coup j'en attendais pas mal de son nouveau film, en sélection officielle de Cannes en plus de ça ! Et là, encore une fois, Dumont me prend à revers. En quelques secondes, la température est donnée, on sait qu'on va en prendre plein la tête. Dès la première seconde, on a plus d'idée visuelle et de photographie que l'ensemble des comédies françaises commerciales des dernières années. Mieux, il est visuellement carrément dans le haut du panier des films sortis cette année.
Mais ce qui fascine le plus, c'est l'univers dans lequel nous plonge l'auteur. Un univers totalement déjanté et bourré d'inventivité et d'idées. Entre les personnages tous complètement fous ou "pittoresques" et leurs 10 chutes par minute, le "surjeu" (si je puis dire) voulu de certains acteurs à mourir de rire. On assiste du coup à des dialogues savoureux, comme les tirades d'engueulades de l'inspecteur Machin pendant que les interlocuteurs restent béants, ne savant pas où se mettre. Et l'utilisation des accents : on a du mal à comprendre certains mots, mais les personnages eux-mêmes aussi ont du mal et s'en moquent même carrément.
On a des situations qu'on voit venir à des kilomètres mais c'est voulu et Dumont s'arrête tellement dessus qu'on ne peut s'empêcher de rire à leur ridicule. Je pense au personnage de Luchini sur son char à voile, l'inspecteur Machin qui s'évertue à vouloir s'agenouiller alors qu'il ne cesse de tomber à la renverse à cause de son poids, la mauvaise conduite de la bonne Nadège face à la famille riche, les dialogues dramatiques avec le personnage de Juliette Binoche. Ca ne s'arrête jamais, ça joue sur le comique de répétition, de situation, de mouvements. Bref, il fait de tout, et le fait bien. Et après tout ça, il y en a encore ! On tombe carrément dans un univers non seulement de fous, mais un univers lui-même fou où tout est possible.
Mais là où Dumont frappe fort, ce qu'il avait déjà entrepris dans P'tit Quinquin, c'est de proposer une sorte de mix de comédie et de drame. C'est assez dingue. On rit aux éclats, et l'instant d'après, on se retrouve devant un film déprimant, touchant, choquant. Cette faculté à mélanger les genres, c'est la patte de Dumont et elle me fascine toujours autant. On voit des enfants jouer, et juste après se battre (gentiment bien entendu) avec des maillets à croquet. En allant encore plus loin, c'est un film qui a vraiment des choses à raconter : entre l'amour et l'homosexualité/transsexualité (et plus encore, je n'ose pas en révéler plus), le monde totalement surfait et surréaliste de l'aristocratie moqué. On est parfois pris de court par des scènes d'une violence ou brutalité assez étonnante, ce qui montre encore le talent de l'auteur à faire passer son message. Le cinéaste accorde aussi une grande importance à la musique et en joue même beaucoup, n'hésitant pas à aller vers des thèmes dramatiques allant crescendo pour amplifier le ridicule ou l'absurdité de certaines scènes.
Voilà ce qu'est Ma Loute de Dumont, un film qui ne cesse de vous prendre à contre-pieds, qui ne cesse jamais d'étonner et qui -- dans un cinéma de comédie française qui peine à se renouveler (surtout à cause des comédies commerciales aux millions d'entrées) -- fait un bien fou. J'ai hâte de voir les prochains projets de Dumont, et en attendant, je me pencherai volontiers sur sa filmographie passée. Il avait déjà attisé ma curiosité avec P'tit Quinquin, voilà que je suis convaincu !