C'est curieux que j'ai eu l'occasion de voir Paria de Nicolas Kloz très récemment, tant Heaven Knows What des frères Safdie (dont j'avais entendu parler il y a longtemps sans jamais prendre l'occasion de voir leurs films) semble être son équivalent américain. Ici, on suit surtout le parcours d'Harley, jeune junkie newyorkaise qui vit au jour le jour aux côtés d'autres junkies. Le plus frappant est d'ailleurs que ce film est tiré d'un roman écrit par l'actrice elle-même, qui joue donc son propre rôle quelques peu romancé. La sensation de vécu en est donc d'autant plus saisissante, aidé par des acteurs complètement naturels y compris le très bon Caleb Landry Jones (déjà vu dans Antiviral, film qu'apparemment je suis le seul à adorer).


L'esthétique générale tiens du film américain indépendant assez classique (ou plutôt du "mumblecore" semble-t-il), composé principalement de tons gris et globalement réaliste. Néanmoins, le film ne manque pas de mise en scène et ce notamment par la musique, électronique et presque assourdissante à nos oreilles. Cette musique représente la plupart du temps la détresse du personnage, comme cette scène au bord de l'autoroute où même le son des voitures est à la limite du supportable.


Le naturalisme très dur du quotidien de ces jeunes paumés est en outre mis en rapport avec le prisme du triangle amoureux, certes minime mais qui permet aux personnages d'avoir en quelques sortes une quête à poursuivre, une raison de continuer à survivre. Tout le paradoxe du sentiment amoureux est d'ailleurs pleinement illustré vers le début du film avec la "menace" (pour ne pas spoiler) que fait Harley à Ilyan. Le fait que le film s'ouvre et se referme pratiquement sur une scène d'intimité entre Harley et Ilyan montre aussi à quel point ce rapprochement, ces sentiments exacerbés parfois même en plein milieu d'une rue sont importants pour ces jeunes.


Heaven Knows What est donc un film qui manque peut-être un poil de poésie ou de jusqu'au-boutisme pour réellement marquer les esprits, mais il reste intéressant dans le paysage indépendant actuel et peut-être un des meilleurs films sur les junkies.

Antofisherb
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le 11 juin 2015

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Antofisherb

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