Innocente d'apparence, boule de désir sommeille en vous, cruelle par ailleurs mais porte ce bijou comme une ode à l'amour et à la liberté. M(es)demoiselle(s) vaincront les vices des hommes malhonnêtes...
Cette douceur des visages, cette profonde beauté et cette dureté du regard, c'est elle Mademoiselle. Deux jeunes femmes, une histoire d'amour qui se profile entre une servante et sa maîtresse, une histoire empreinte d'admiration et de manipulation. Des paysages entre rêve et réalité, doux songes presque fantastiques, érotisme suggéré dans la scène du bain, et qui se concrétise dans l'apprentissage de la nuit de noces, puis des souvenirs sordides qui remplissent la vie d'Hideko, et qui s'entremêlent pour donner toute sa force au film. Elle ne connaît que ce magnifique pavillon tout droit sorti d'une estampe japonaise, une architecture d'une grande perfection esthétique, proche de l'irréel, une froideur de cette étendue immense, où se cachent les mystères littéraires du sous-sol...
Les trois parties du film découpent en triptyque cette histoire qui monte progressivement en tension jusqu'à cette scène d'amour finale, où la mer et ses remous révèlent l'inconnu d'une vie passionnée qui peut librement commencer.
Dans la première partie, il s'agit d'un tableau présentant de manière plutôt réaliste deux femmes, dans des scènes entre intimité et sexualité. Guidées par la curiosité elles quittent peu à peu cette innocence qu'on donnerait à deux jeunes adolescentes prêtes à croquer la vie, jusqu'à ce que la distance qui s'impose peu à peu et le mariage de Mademoiselle nous amènent à l'intrigue de la seconde partie...
Ici, la tension est à son comble. Qui est cette jeune femme ? On la redécouvre, comme on prend connaissance des dessous de cette maison dans laquelle on lit et on tourmente, dans laquelle on arrache l'enfance pour les plaisirs obscènes des hommes. Le mariage arrive et Sookee ne peut plus prétendre à l'amour d'Hideko, pourtant si unies en silence, dans des scènes de baisers cachés, des scènes de regards intenses…
Puis le film s'accélère au rythme des sentiments, de nouveaux lieux en dehors du périmètre que nous explorions depuis le début qui n'était que le pavillon et son jardin, on arrive maintenant à l'asile des fous, et à la peur que Sookee soit prise au piège de sa naïveté...
C'est un film tout en lenteur dans les gestes comme dans les plans, nous sommes absorbés par cet esthétisme, ces couleurs plus vraies que vraies, un réalisme poétique qui surpasse la simple réalité pour représenter innommable par des techniques presque picturales, par un jeu quelque peu théâtral et par des scènes poignantes que ce soit celles d'amour ou celles exprimant la colère, elles sont toutes d'une grande sincérité. En même temps, on y retrouve une retenue émotionnelle propre à la culture asiatique, ne laissant pas place à l'excentricité qui pourrait fausser la justesse des sentiments. Ce n'est d'ailleurs pas que des sentiments mais c'est un film de sensations, un chef d’œuvre sensoriel. Park Chan-Wook parvient à nous faire sentir les parfums du jardin, les parfums des intérieurs, nos yeux absorbés par les images touchent les corps aimants, les tissus des robes de Mademoiselle... La nourriture est elle aussi embellie par les plans de la bouche laissant passer grain de riz par grain de riz dans un soucis de délicatesse et de maîtrise de soi. Ou encore la pèche à l'image du fruit croqué comme péché qui lui est dégoulinant, faisant référence à la personnalité de celui qui le mange. Tout signifie, le moindre geste est signifiant et le spectateur vit tous ces moments avec passion.
Incontestablement le film de l'année !