Apres Old Boy (Grand Prix à Cannes 2004), Lady Vengeance, Thirst et Stoker, le réalisateur coréen Park Chan-Wook revient avec une oeuvre surprenante et sublime. Après Stoker, et son excursion dans le cinéma hollywoodien, Park Chan-Wook est de retour en Corée, et propose un film incroyable qui n'a rien à envier à la méga-industrie des Etats-Unis.
Il s'inspire pour ce thriller aux allures de Torture Porn du roman Fingersmith (Du bout des doigts, dans son titre français) de l'auteure britannique Sarah Waters pour mettre en lumière le saphisme de manière très crue.
Il transpose l'histoire à l'origine en 1862, dans la Corée des années 1930 durant la colonisation japonaise. Le roman devient alors un conte visuel et sensuel mettant en scène une jeune femme japonaise, qui vit dans une propriété isolée et une femme coréenne qui est engagée dans le but d'être sa servante.


Le réalisateur tourne son premier film en costumes, et les années 1930 offrent des plans magnifiques qui mettent en avant sa grande sensibilité plastique. Le travail de la photographie de Chung Chung-Hoon est remarquable. Certainement une des meilleures lumières de cette année 2016. De même, pour le travail de la décoratrice Ryu Seong-Hee, ô combien impressionnant. Par ailleurs, la propriété imaginaire filmée ici apporté véritablement un atout au récit, rien que sur le pan de la vraisemblance. Elle est un personnage et un labyrinthe sinistre. Elle allie les styles occidentaux et et japonais, si bien que lorsque les personnages entrent dans les appartements de style japonais, ils doivent enlever leur chaussures et quand ils traversent l'aile occidentale, ils doivent les remettre. Mademoiselle Hideko dort dans un lit, dans la partie occidentale, alors que sa servante, Sookee, dans le même couloir, vit dans la partie japonaise, et dort dans un oshiire. De plus, la maison renferme une bibliothèque incroyable. Elle combine aussi le style japonais (tatamis, galets blancs, pierres, eau ...) et le style occidental (étagères, livres reliés, ...)


Le film est porté par les interprétations magistrales de tous les acteurs sans exception. La vision singulière de Park Chan-Wook sublime des acteurs déjà au sommet de leur art. La magie opère face aux mélanges constitués d'escroqueries, de candeur et de violence. Park Chan-Wook a admit laisser le moins de liberté possible à ses acteurs et demander un travail très précis. Il a cependant avoué avoir été très heureux par la manière dont s'est exprimée la créativité de Ha Jung-Woo (qui joue le faux comte). D'autre part, le film est drôle. L'humour vient du fait que les personnages cachent leur véritable identité et jouent la comédie en permanence, le tout avec une douce innocence. Le plus souvent les sentiments sont intérieurs, mais connus du spectateur, et disent des choses très différentes de ce qu'il pense. Ce décalage est forcément plaisant pour le public. Il n'y a que deux ou trois éclats de rire, mais le plus souvent ce sont des grands sourires déclenchés par un humour fin qui joue avec la pureté des personnages plongés dans un monde écœurant et faux.


Il serait difficile au spectateur quelque soit son niveau de connaissance en cinéma ou sa cinéphilie de passer à côté des mouvements de caméra impressionnants, et pourtant jamais superflus. La maison est grande et il y a peu de personnages dans cet immense espace vide. Néanmoins, tout est intéressant dans le cadre. La première partie se compose de nombreuses scènes au point de vue de Sookee, et dans la seconde, au point de vue de Mademoiselle Hideko. Tout le long, il y a des jeux de regards. On ne sait jamais vraiment qui, mais des passage à la camera portée accentuent l'aspect voyeuriste. En outre, l'objectif anamorphique utilisé apporte une image véritablement intéressante. L'image est unique et s'adapte parfaitement au décor d'époque.
Ce thriller est le récit d'une arnaque, un drame mais avant tout une histoire d'amour.

Echaper
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le 13 oct. 2016

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