Le nouveau film du bientôt octogénaire Woody Allen apparait comme une synthèse de trois de ses œuvres précédentes : Le Sortilège du scorpion de jade pour la magie et l’illusion, Match Point pour l’immersion dans un groupe de nantis – ici sur la Côte d’Azur à la fin des années 20 – et Minuit à Paris pour l’ambiance jazz et années folles. Si la première citation, la plus évidente, fait hélas référence à un film mineur, sinon raté, les deux autres laissent augurer de l’appréciation extrêmement positive suscitée par Magic in the Moonlight. Si le réalisateur de Blue Jasmine se pose de plus en plus des questions essentielles où plane le sens donné à une vie dont l’achèvement lui devient probablement de plus en plus tangible, il le fait avec une élégance et une intelligence qui ne s’édulcorent en aucune façon.

Cette histoire simple conduisant un magicien célèbre à démasquer une femme médium soupçonnée d’arnaquer une riche famille américaine installée sur les hauteurs de Nice sert ainsi de prétexte à Woody Allen à mener une réflexion aussi poussée que vivifiante, aussi alerte que fluide sur l’irrationalité, l’existence du surnaturel et, par voie de conséquence, du divin en élaborant une théorie des oppositions : pragmatisme contre croyance naïve, pessimisme du premier versus optimisme du second, et dans une moindre mesure, culture fallacieuse de l’Amérique contre la noblesse européenne, incarnée ici dans l’évocation récurrente de Nietzsche. Dans des demeures et des paysages de rêve – la France continuant à inspirer le new-yorkais Allen – les comédiens tous excellents évoluent et s’interpellent dans des discours brillants et jouissifs. Le cinéaste fait continuellement osciller le balancier, nous égarant, sans doute à l’image de la versatilité de ses questionnements sur le sens de la vie. Allant à l’essentiel, sans la moindre lourdeur, avec à l’inverse une étonnante légèreté, qui réjouit les yeux et les oreilles du spectateur, Woody Allen ne perd pas un iota de sa vivacité d’esprit, de sa clairvoyance et de son intelligence. Cela tombe constamment sous le sens durant ces 97 minutes délicieuses et, pour tout dire, magiques.
PatrickBraganti
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le 23 oct. 2014

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