Est-ce qu'on a changé de film en cours de route ?

Alors là, c'est un sentiment tout à fait unique que m'a laissé "Mama". Est-ce que c'est une bonne chose ? Euh, ça, ça reste à voir.


Fondamentalement, qu'est-ce que "Mama" semblait avoir d'intéressant à apporter ? Un scénario un tout petit peu original (on frise pas la folie non plus), un peu de frisson pour une nouvelle amatrice de films d'horreur comme moi, Nikolaj Coster-Waldau que j'aime bien mais sans plus et surtout, SURTOUT : Jessica Chastain, le principal atout du dernier film de Guillermo del Toro, "Crimson Peak", lequel m'avait assez déçue mais qui avait tout de même laissé ce qu'il fallait de temps et d'espace pour permettre à l'actrice de briller. Enfin bref... sans m'attendre à un résultat grandiose, je partais dans l'idée de voir un bon film. Et sur ce plan là, je dois avouer que "Mama" n'est pas trop mal. Enfin... surtout si on considère les divers éléments du film individuellement, parce qu'ensemble, parfois, ça ne colle pas.


Il y a de très bonnes choses dans "Mama", à commencer par l'aspect visuel du film. Beaucoup d'oeuvres cinématographiques ne prennent pas la peine de travailler en profondeur leurs plans, la caméra devient davantage un outil de communication (ou de représentation) mais perd son aspect créatif/artistique, et ce n'est pas le cas ici. Je ne dis pas que tous les plans sont exceptionnels, mais plusieurs d'entre eux sont remarquables et attirent l'oeil du spectateur, c'est suffisant pour que j'en prenne note en tous cas. Malheureusement, ceux-ci s'effacent au fil du film au profit de multiples effets spéciaux sans réel intérêt et d'une créature humanoïde volontairement déformée sans que cela ne soit jamais vraiment justifié plus tard. Première déception.


D'un point de vue général, "Mama" commence comme un thriller ou un film d'horreur traditionnel. Et même si j'aurais préféré quelque chose d'un peu plus élaboré qu'une simple histoire de fantôme, c'est cet aspect de film horrifique qu'il va garder jusqu'à un certain point. Quand la fin du film survient, le style change radicalement et on est surpris par cette fin burtonienne qu'on n'avait certainement pas vu venir : la musique, la luminosité, le fantôme, les papillons, l'histoire, les émotions des personnages... tout semble soudain sortir d'un film de Tim Burton ("Les Noces Funêbres" plus particulièrement). Et je vous invite à comparer la fin de ces deux films, vous y trouverez étonnamment beaucoup de similarités. Quoiqu'il en soit, la rupture brutale entre ces deux parties distinctes du film est maladroite, elle vous sort complètement de l'atmosphère qu'il s'était évertué à construire et c'est une grossière erreur que de ne pas avoir travaillé davantage sur une transition cohérente.


Le scénario, quant à lui, n'est toujours pas folichon-folichon. D'abord, comme je l'ai dit plus tôt, le film vous prépare à une grosse révélation qui se révèle être... une banale histoire de fantôme. Et oui, tout ça pour ça. Ne vous méprenez pas : les histoires de fantômes sont bien, mais là j'attendais quelque chose d'un peu plus original que ça, quelque chose de transcendant. Mais ici c'est le summum du classique :


L'entité qui hante les enfants s'avère être le fantôme d'une femme échappée d'un asile qui, après avoir assassiné quelqu'un, s'est enfui avec son enfant et s'est tuée en chutant d'une falaise. Elle recherche depuis son bébé, inlassablement, à la manière de la Dame en Noir dans le film éponyme. Bien évidemment, retrouver son enfant serait la seule manière de lui faire trouver la paix, encore une mission que Melinda Gordon pourrait remplir sans peine. Excusez-moi de ne pas trouver ce scénario d'une grande originalité.


D'autres détails scénaristiques m'ont paru peu cohérents, que ce soit le retour ultra rapide de Victoria à la vie "civile", son attachement sans fondement à sa nouvelle famille ou encore le message que semble faire passer le fantôme de Jeffrey à son frère Lukas :


"Sauve mes filles" ? Sérieusement ? De la part de l'homme qui était bien résolu à les tuer avant que Mama ne le tue elle-même ? Il faut croire que la mort, ça donne de quoi réfléchir. De même, la manière dont Lukas tombe par hasard sur Annabel dans les bois non loin de la falaise où Mama a emmené les filles est tellement agaçante que j'en ai envie de crier : cliché !


D'un autre côté, le bref et unique moment d'affection entre Annabel et la plus jeune des deux filles, Lilly, est plus élaboré et plus intéressant : la lutte qui finit par aboutir à une brèche dans la carapace que s'est forgée la fillette, bien que cela ne dure pas ou n'a quasiment aucune incidence sur la suite du film, est un moment très beau qui rend la relation entre ces deux personnages bien plus développée que celle qu'entretient Victoria avec Annabel. Il y a beaucoup d'émotion dans cette scène, émotion que l'on retrouve au tout début du film dans la relation entre Victoria et son père (Jeffrey). Non vraiment, si "Mama" peut se vanter d'une chose, c'est bien de l'émotion qu'il met en scène : difficile de ne pas se laisser atteindre par la détresse dont Jeffrey fait preuve en prenant la fuite avec ses filles, par la tendresse que Victoria témoigne à Lukas en le prenant pour son père, par l'affection inattendue d'Annabel pour les filles ou encore par le désespoir qu'entraîne la séparation des deux soeurs, probablement le plus beau duo du film. Même l'esprit de Mama arrive à être touchant, d'une certaine façon.


En bref, pour un visuel pas trop mal et de l'émotion à foison, je donne un 5/10, mais la qualité d'écriture n'est pas aussi bonne qu'elle pourrait l'être, le résultat donne l'impression d'être une grosse inspiration d'autres oeuvres existantes et l'originalité n'est pas au rendez-vous. De plus, la fin totalement en rupture avec le reste du film vous mettra à la bouche probablement les même mots que moi : "WTF ?"


Et pour vous, c'est gratuit, d'autres incohérences de scénario et clichés typiques de ce genre de films :


• l'odeur de Victoria aurait-elle réussi à survivre cinq ans dans des feuilles mortes pour qu'un chien renifleur puisse la retrouver grâce à l'odeur du doudou qu'elle avait à l'âge de 3 ans ? Je ne suis pas experte mais je doute qu'une des deux filles soit revenue à la voiture accidentée de leur père, il y a vraiment peu de chance pour qu'un chien, aussi fin limier soit-il, puisse la retrouver de cette manière.


• le psy qui a tout compris mais qui se garde bien de le dire aux gens autour de lui, et encore moins aux personnes qui ont la garde des enfants et qui sont donc directement menacées par Mama. Pire encore : le psy qui a tout compris mais qui garde tout pour lui afin d'enquêter de lui-même, tout seul dans une cabane en ruines abandonnée en pleine forêt et de nuit en plus, pour y mourir sans que personne ne le sache.


• tatie Jean, ou le personnage inutile qui n'existe que pour se faire tuer misérablement par Mama sans raison apparente.


• la femme des archives qui est, en réalité, la seule à faire avancer l'intrigue parce qu'elle est la seule à faire des recherches, mais curieusement personne n'écoute ce personnage jusqu'au tout dernier moment, comme d'habitude.


• Lukas qui ne sert finalement pas à grand chose dans ce film et qui fait autant avancer l'histoire quand il est dans la maison que quand il est dans le coma. Le seul intérêt du personnage est qu'il est le tuteur légal des filles, ce qui explique leur présence.


• Les personnages qui ne se battent pas plus que ça pour garder Lilly : d'Annabel qui s'agrippe à Victoria à la manière de Boromir qui empêche Frodo de sauver Gandalf, à cette dernière qui reste les bras tendus à crier le prénom de sa soeur sans vraiment se débattre pour la récupérer. Ce serait trop vous demander de vous impliquer dans son sauvetage à elle aussi ?


• Le film qui se rend compte qu'il n'est tellement pas clair qu'il a besoin de ses propres personnages pour expliquer ce qu'il se passe (exemple : Victoria qui voit le papillon bleu se poser sur sa main et dit "Lilly" pour faire comprendre au spectateur que Lilly vit encore au travers de ces papillons à la manière de Mama et ses phalènes).


• Par contre, palme d'or au chien Handsome (ce nom est génial) qui doit bien être l'un des rares chiens à survivre à un film d'horreur.

Sylwanin
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le 9 juil. 2016

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