Un machin filmique vraiment étrange et composite, qui donne du grain à moudre à bien des égards mais ne procure guère de jubilation, si ce n'est celle de voir une actrice endosser des personnalités multiples à grande vitesse; toute une carrière en 1h34 ! Je ne m’appesantis pas sur l'étrangeté du dispositif, ni sur la lassitude provoquée au bout d'un moment par l'assommante litanie des proclamations rageuses d'artistes en mal de reconnaissance sociale, pour revenir sur la performance jubilatoire de Cate Blanchett, qui s'empiffre avec délectation de ces personnalités disparates dont elle endosse la peau. Un caméléon que cette femme-là. Capable de proférer les pires absurdités intellectuelles avec un sérieux désarmant et une conviction dérangeante. Une présence hypnotique, qui laisse espérer à chaque saynète qu'une vraie histoire va commencer tant chaque prestation fait oublier la précédente. Institutrice, ouvrière, présentatrice télé, junkie... elle saute d'une identité à l'autre avec la même intensité, la même gourmandise, et on se laisse naïvement avoir à chaque fois. Elle dynamite au passage l'orgueil des unes et la bêtise des autres, pointe l'usure et l'abandon dont certaines sont victimes, se moque de la famille en tant qu'institution en invitant la sienne à faire de la figuration... cette nana-là ose tout. La grande classe. Elle a fait un travail admirable sur ses démarches, ses regards et même sa voix. Rien que pour ça, ce pesant manifeste mérite le détour. Pour le reste, on peut se laisser bercer par l'avalanche de mots ronflants et d'intentions narcissiques comme anesthésique avant la nuit de sommeil du siècle !