Le divorce nous est devenu affreusement anodin. Il ne crée pas seulement des enfants du divorce mais une société du divorce, allant jusqu’à s’imprimer dans le paysage cinématographique. Dans sa propre filmographie, Noah Baumbach a déjà abordé ce thème en réalisant “Les Berkman se séparent”, mais Noah s’en fiche, il lui reste des choses à dire. 

J’ai été frappé par la violence présente de manière latente dans ce film notamment dans les scènes de la confrontation avec avocats puis au tribunal. 

Mieux vaut se mouiller la nuque… 

Les épisodes de bienveillance ponctuelle parsemés par le réalisateur tout au long du film laissent place à une autopsie, celle d’une relation de couple. Les comportements de chacun dans l’intimité sont alors mis à nu, objectivés, décomposés froidement au moment du jugement. Les protagonistes se voient dépossédés de leur intimité et de leur histoire commune.

Noah Baumbach nous livre ici une partition qui n’est pas sans rappeler la seconde partie de “L’étranger” de Camus. Si les actions du personnage principal  nous apparaissent comme banales voires déconcertantes dans la première partie de cet ouvrage, elles sont instrumentalisées pour en faire un monstre lors du jugement dans la seconde partie.

Pour faire front, avec plus ou moins de succès, les protagonistes tentent alors de revêtir leur plus beau costume de scène et ainsi complaire aux regards instigateurs du jugement. 

Cette effraction dans l’intimité est sensible dans la scène de l’observation à domicile. Le second degré de Noah a décidé d’écorner cette pièce qui se joue sous nos yeux en introduisant l’incident de la coupure. Le caractère dramatique de cette scène dans laquelle se joue l’avenir d’une relation père-fils est balayé par le comique de situation lorsque d’Adam Driver s’écroule dans la cuisine en raison de l’abondante perte de sang.

A force de vouloir objectiver la situation, l'humain est totalement décentré de la procédure.

Tout au long du film, le spectateur ne peut s’empêcher d’espérer une issue heureuse pour ce couple qui se montre bienveillant l’un envers l’autre. Cependant, cette hypothèse est rendue chimérique par la procédure de divorce qui consume la séparation.

La vraie qualité du traitement de ce sujet plutôt usuel réside dans la capacité du réalisateur à faire coïncider les genres et les émotions.

CCP00
8
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le 2 mai 2020

Critique lue 118 fois

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