Mary et Max raconte l'histoire d'une longue correspondance épistolaire entre une petite fille de huit ans vivant en Australie et un homme de 44 ans vivant quand à lui aux Etats-Unis. Pendant plus de vingt ans et sans jamais se rencontrer Mary et Max vont échanger sur leurs propres vies et devenir ainsi de véritables amis réunis entre autres choses par leur difficulté commune à vivre en société.


Mary et Max est avant tout une petite merveille graphique avec une véritable identité formelle qui fait que le film ressemble à bien peu de choses déjà existantes. L'animation image par image à base de pâte à modeler rapproche fatalement le travail de Adam Elliot des films produits par le studio Aardman et des œuvres de Nick Park mais si la méthode est plus ou moins la même en revanche le résultat est beaucoup plus sombre et réaliste chez Elliot que dans l'univers toujours très cartoon d'un Wallace et Gromit par exemple. Le film de Adam Elliot est vraiment marqué par une signature graphique extrêmement forte et personnelle qui va immédiatement à l'encontre des nombreux films en images de synthèses qui finissent malheureusement un peu par tous se

ressembler. Ici le réalisateur plante un univers avec des options esthétiques radicales mais toujours pertinentes comme de divisé son film en deux valeurs chromatiques avec des ton de brun et de marron sépia pour l'univers de Mary vivant dans la campagne australienne et un noir et blanc fortement contrasté pour l'univers urbain de Max qui lui vit à New-York. Les seules véritables touches de couleurs seront souvent des objets échangés par correspondances entre les deux amis comme le pompon rouge offert par Mary à son ami Max comme une petite touche de folie et de bonheur dans son quotidien. L'univers graphique du film pourrait presque sembler sombre, laid et désespérant si il n'était totalement sublimé par la poésie et l'humour formidablement sombre de son récit. La pâte à modeler donne une formidable consistance physique et charnelle aux personnages qui semblent du coup vraiment exister à l'écran et Adam Elliot prend même un malin plaisir à les montrer dans toute leurs petites imperfections physiques. L'univers visuel du film est juste magnifique, rempli de petits détails et surtout il possède une vraie personnalité qui est incontestablement celle d'un artiste majeur de la trempe de Miyazaki , Henry Selick ou Bill Plympton. Le plus formidable reste que ni l'aspect caricaturale des caractères et ni l'univers graphiquement radicale du film n'empêche de croire totalement à cette histoire et à ses personnages pourtant hors normes . Car comme par miracle Mary et Max sont des personnages qui finissent par devenir bien plus humains et touchants à l'écran que de nombreux acteurs réels dans des films traditionnels.


Le film se repose totalement sur ses deux personnages principaux et cette perception qu'ils ont à la fois d'eux même et du monde qui les entoure. Mary et Max sont deux antihéros magnifiques du quotidien, deux personnages paumés dans un monde qui ne ressemble pas à leur vision à la fois sombre et poétique des choses. Mary est une petite fille complexée par son physique entre ses yeux couleur gadouille et une tache de naissance couleur caca sur le front, elle vit entre une mère alcoolique et cleptomane et un père ouvrier dans une usine de thé dont la seule passion est de fourrer des oiseaux morts, empailler serait un mot plus adéquate. Mary possède un poulet de compagnie et adore regarder son dessin animé favori « Les Noblets » en se gavant de sucreries. De son coté Max Horowitz est juif, obèse, souffre de troubles comportementaux et vit à New-York. Si il a 44 ans il adore lui aussi regarder les Noblets sur deux téléviseurs en même temps, un pour le son et l'autre pour l'image. Max adore manger des hot-dog au chocolat et vit avec une étrange ménagerie composé d'une perruche, d'escargots aux noms de scientifiques, d'un chat borgne et de poissons rouges qu'il change régulièrement après leur mort. Le père de Max l'a abandonné alors qu'il était encore un très jeune garçon et sa mère s'est suicidée peu de temps après.... On est donc très loin des personnages positifs, propres, lisses et joyeux à la Disney mais l'univers de Mary et Max aussi sombre qu'il puisse être ressemble aussi toujours à un inventaire poétique à la Prévert. On est proche de Jean Pierre Jeunet et Marc Caro avec l'univers de Delicatessen, proche de Tim Burton pour l'amour des personnages marginaux, proche aussi de l'univers de Sylvain Chomet. Et c'est l'une des plus grandes forces du film que de proposer un univers entre poésie, humour, noirceur absolue avec une mélancolie magnifique et une tendresse absolue pour ses personnages qui fait que le film reste toujours extrêmement touchant.


Le film est entièrement porté par trois axes narratifs, trois voix off qui sont celle du narrateur principale, de Mary lisant ses lettres et de Max qui en fait de même. Il est d'ailleurs amusant de noter qu'en dehors de ses trois voix le film est quasiment muet et que l'on ne verra que très très rarement les personnages parler directement de vive voix. Le récit se fait donc souvent par la simple lecture de cette correspondance épistolaire qui se perd très souvent en digression et en une multitude de post-scriptum comme pour marqué une difficulté à simplement pouvoir quitter l'autre. Parfois loufoque et surréaliste, la première lettre de Mary est envoyée presque au hasard pour savoir si aux USA les bébés naissent dans les canettes de Coca, la correspondance va peu à peu devenir comme une bouée de sauvetage magnifique pour ses deux personnages en manque de reconnaissance et de communication. Une formidable histoire d'amitié aussi improbable que poétique qui va alors se tisser lentement sous nos yeux jusqu'à devenir si forte que le final du film absolument magnifique et bouleversant laissera plus d'un spectateur la gorge nouée et les larmes aux yeux devant tant d'humanité. Personnellement j'ai du voir le film dix fois et je termine toujours avec la chair de poule et les larmes au yeux


Mary And Max est un véritable coup de cœur, un film magnifique d'une grande perfection technique et d'une humanité à fleur de peau. Un film drôle, émouvant, sensible, originale, poétique, mélancolique, une merveille qui propose des personnages de pâte à modeler tellement inoubliable qu'on souhaiterait devenir vraiment leurs amis pour échanger avec eux des lettres formidables jusqu'à la fin des temps.

freddyK
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le 5 févr. 2018

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Freddy K

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