Ce devrait être Qu'on le veuille ou non (1), puisque Massacre à la tronçonneuse est antérieur de trois années à cette autre œuvre qui, elle aussi, malgré son esthétique très discutable, a finalement eu une résonance inouïe, est devenue quasi-mythique, indispensable (dans le sens où on ne peut pas passer à côté ; l'appréciation, c'est autre chose...).
Incontournable Never Mind the Bollocks dans la musique punk, incontournable Massacre à la tronçonneuse dans le cinéma d'épouvante.
( les arts plastiques doivent avoir eux aussi leur féroce point d'inflexion : Les Demoiselles d'Avignon, peut-être... )
Je passe sur un certain discours convenu associant le film à la boucherie vietnamienne tenu par des personnes qui peinent également à apprécier Zombie (1978) pour ce qu'il est et se croient systématiquement obligés de nous bourrer le mou en évoquant une prétendue critique de la société de consommation~bla-bla-bla.
Si demain on colle les morts-vivants sur des vélos, ce sera donc pour dénoncer le dopage dans le cyclisme ?
Massacre à la tronçonneuse ---- The Texas Chain Saw Massacre : quel retentissant appel, déjà ! ---- regorge de défauts, mais aussi de moments et de trouvailles (d'époque) inoubliables : la lancinante introduction, les lénifiants et morbides messages radio qui suivent, l'évocation des abattoirs et de la mise à mort des bêtes, l'approche de la maison des foldingos, la violence des scènes (bien plus hystériques que gore), les cris de la demoiselle, ses yeux verts révulsés, le vacarme de la machine à saucissonner la jeunesse...
Jamais un croc de boucher n'a été aussi angoissant et la douleur d'une victime aussi pénible !
L'amateurisme, l'image pisseuse, le montage parfois craspec... finalement, on s'en contrefout.
J'ai appris (merci à Laurent Duverdier), que Tobe Hooper (1943-2017) avait voulu réalisé une comédie noire et non pas un film oppressant (comme je le croyais initialement).
Il s'est donc, eu égard à la réception du film et aux traumatismes, magistralement planté... et c'est tant mieux.
Même les spectateurs déçus (souvent parce que ces pauvres chéris s'attendaient à du très sanglant et n'ont pas eu leur dose d'hémoglobine) reconnaissent avoir été mal à l'aise.
Je connais en outre des individus méprisant le film qui disent avoir bien rigolé ---- bingo, Tobe ! ---- alors qu'en réalité ils se sont forcé à métamorphoser leur gêne en rire afin de mieux supporter le visionnage.
Si le conflit vietnamien régulièrement évoqué est fort douteux, difficile en revanche de ne pas faire un parallèle avec ces espaces de mort programmée et industrialisée que sont les abattoirs.
Difficile, pour un animaliste en tout cas, de ne pas voir dans la jeune femme parvenant à s'échapper et galopant vers le soleil et la civilisation (route, véhicules, humains) une allégorie de l'animal survivant miraculeusement au sort promis par cette même civilisation couarde qui isole dans les replis de sa goinfrerie des poches de folie meurtrière.
La danse finale et tragicomique d'un Leatherface désappointé sonne bien plus comme un avertissement qu'une victoire de la proie en fuite :
Je ne t'ai pas eue, mais je suis là ; et je massacrerai encore et encore...