May
6.8
May

Film de Lucky McKee (2003)

Ce film allie, comme dans un bon Cronenberg, des éléments de film d'auteur avec un pur film de genre, cela donne un mélange assez original et rafraîchissant.


Le scénario nous place dans la vie de May, de son enfance jusqu'à l'âge de jeune adulte, une jeune fille souffrant d'amblyopie ("ou Lazy Eye" en anglais), ce qui a perturbé son enfance, étant toujours mise à l'écart de part sa différence. Et le pitch du film, le fil conducteur de l'intrigue sera la suivant: "Si tu n'arrives pas à te faire des amis, fabrique-toi un ami!"


On sait que les meilleurs films d'horreur sont avant tout des films d'ambiance, prenez Carrie, Alien, Shining, Massacre à la Tronçonneuse, L'antre de la Folie, The Descent, tous sont des films qui jouent avant tout sur le ressenti, sans trop en montrer, du moins dans la plus grande partie du film, le film d'horreur est avant tout un moyen d'analyser notre subconscient, nos peurs ancestrales, la façon dont on réagirait face à une situation improbable, ou inexplicable.


De ce point de vue-là le film est parfaitement réussi, non pas que l'ambiance soit pesante, bien au contraire, le film ressemble d'ailleurs à s'y méprendre à un simple film Teen-Movie comme on en a déjà vu, et c'est peut-être là qu'est la principale qualité de ce film, la dissimulation de l'horrible réalité derrière un sujet à-priori léger, une réalité dont on ne prend conscience qu'au moment du final.
C'est un élément plutôt appréciable de ce film, ce crescendo, cette montée progressive et très imperceptible vers la folie, tous ces petits détails qui nous paraissent anodins à première vue se révèlent finalement importants.


D'ailleurs, l'univers même dans lequel se situe le film semble évoluer au fur et à mesure, de façon également imperceptible, les personnages semblent être dans leur petit monde, ils ont tous un côté dérangés et irréels, comme si plus rien n'existait d'autre que ce qui se passe dans la vie de notre héroïne, et dans le final, l'ensemble verse carrément dans l'onirique, c'est la que la réalisation frappe fort, car le film nous absorbe littéralement dans son monde.


Parlons un peu des personnages secondaires, qui ont tous leur importance dans le film:
Adam, jeune homme charmant et personnage-clé du film, dont la personnalité ne change pas au milieu de la montée en puissance de la bizarrerie ambiante, en effet, il agit comme un mètre-étalon par rapport à May, pour nous aider à nous rendre compte de l'avancée dans l'étrange que subit notre personnage principal. Polly, la secrétaire lesbienne de la clinique ou travaille May, joue un rôle assez ambigu, entre la grand sœur et l'amante nymphomane, qui sert principalement d'échappatoire ou de guide à notre héroïne dans ses moments délicats.


Cependant, une chose doit bien vous rester en tête: C'est strictement le film d'Angela Bettis . Elle parvient à créer un personnage à la fois inquiétant et fascinant. Elle est attrayante et laide, pathétique et puissante à la fois.


May est un film indépendant d'une justesse à faire pâlir les meilleures production horrifiques des dernières années. Il s'agit d' un excellent exemple qui démontre pourquoi nous devons soutenir les cinéastes indépendants d'Hollywood. Pour ces concepts originaux, qui n'ont jamais empruntés les chemins balisés, et ne le feront jamais.


A Hollywood, il n'est pas nécessaire d'être un passionné ou un génie de l'épouvante pour faire un film. Les pontes de l'industrie ont des normes et des règles pour définir ce qui va et ce qui ne fonctionne pas. Les passionnées n'ont, semble-t-il, jamais leur mot à dire dans l'évolution des codes et des règles qui définissent le film d'horreur hollywoodien. Ils doivent se tourner vers le cinéma indépendant pour réaliser le film qu'ils aimeraient voir dans un cinéma. La bonne nouvelle à ce sujet est que les films d'horreur indépendants sont ceux qui repoussent les limites, qui changent les règles. La mauvaise nouvelle, c'est qu'ils ne reçoivent pas la publicité qu'ils mériteraient, et disposent d'un budget dérisoire, si personne n'y prête attention, les films qui méritent le coup d’œil passeront inaperçus. May est un de ces films.


C'est un film tout simplement génial, drôle, tordu , triste , sanglant, et perturbé, le tout en 93 minutes. Et dans le rôle de l'homme qui a accompli cet exploit d'alchimie cinématographique, nous avons Lucky Mckee, une sorte de génie surdoué et oublié du cinéma d'horreur. Qu'on a notamment aperçu à la réalisation sur l'anthologie Masters of Horror, avec l'excellent Sick Girl .


Lorsqu'on examine la production hollywoodienne de films d'horreur, on se rend compte que seuls les vrais amoureux de ce genre produisent de bons films comme May, des films qui, souvent, n'obtiennent pas de large reconnaissance, si ce n'est celle d'une frange de passionnés. Ce sont ces gens-là qui donnent une vraie reconnaissance à ceux qui le méritent.

Schwitz
7
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le 13 oct. 2016

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