Retour en noir sur l'égérie de la nouvelle vague coréenne

Mieux vaux tard que jamais. Pour qui le parfait Parasites a permis d'apprendre à écrire Bong Joon-ho sans fautes, il reste probablement toute la filmographie de ce dernier à découvrir.
Et Memories of Murder rentre indubitablement dans la même catégorie que la Palme d'or 2019.


Car si The Snowpiercer et Okja sont tout deux bien inspirés par une idée originale, leur mise en scène hollywoodienne en font des œuvres mal dégrossies, comme des pieds que l'on essayerait de rentrer de force dans des chaussures trop petites. La première similitude entre Parasites et Memories of Murder, c'est l'exactitude, la précision de chaque plan, et l'emboîtement parfait de ces derniers en un montage arithmétique. La caméra opère comme un scalpel chirurgical, en montrant à un moment T ce qu'il faut voir pour comprendre l'action et la narration à ce moment précis. Ce qui fait que le spectateur est comme collé à la caméra en vue subjective, on ne peut pas aller plus vite que l'intrigue, c'est Boog Joon-ho qui nous tire selon son bon vouloir à travers les méandres sordides de son polar noir, lequel est inspiré de meurtres en série s'étant réellement produits en 1986 dans la campagne sud-coréenne. Cette démarche se retrouve également dans des cadrages où la mise en exergue évidente d'un élément -


telle que la silhouette dubitative de l'inspecteur Seo en arrière-plan de l'image lorsque l'inspecteur Park au premier plan arrache de faux aveux forcés à un suspect faible d'esprit en le soumettant à une véritable manipulation psychologique


permet de rajouter du sens à la scène, sans utiliser de mots supplémentaires. Ici par exemple, que l’inspecteur Seo ne croit pas en la culpabilité du suspect interrogé et qu'il désapprouve d'une manière générale les techniques d'investigation douteuses de l'inspecteur Park.


La photographie s'inscrit dans l'esthétique du polar, tout en évitant une persistance ou une trop forte récurrence de scènes nocturnes oppressantes de meurtres sanglants, ou d'autres clichés de ce genre. Quelques images nous sont néanmoins données dans ce but, comme


le plan en contre-jour de la fin du film, pris depuis l'intérieur du tunnel du train, où se détache dans le halo de lumière de l'entrée du tunnel les silhouettes en ombre chinoise de l'inspecteur Seo pointant son arme de service sur la tête du plus-que-probable meurtrier, en des postures de face-à-face final entre policier et assassin aujourd'hui mythiques


Les phases d'enquêtes au grand jour dans une campagne sud-coréenne par ailleurs apaisante permettent d'aérer le film, pour mieux faire palpiter le spectateur lorsqu'un nouveau meurtre est commis, malgré les efforts déterminés des inspecteurs. Le fait que l'inspecteur Park ait pour talent principal de dénicher de faux coupables et de leur faire cracher de faux aveux, permettent de tenir le spectateur en haleine tout le long du film, jusqu'à qu'en un tricks scénaristique pas facile à maîtriser Bong Joon-ho nous donne à connaître le vrai meurtrier,


mais parvient néanmoins à continuer et à faire progresser le film pendant 45 min.


Et à le faire conclure sur un regard caméra qui nous met définitivement dans la poche de ce décidément génial réalisateur et scénariste, Bong Joon-ho, qui nous réserve donc sans fautes d'autres superbes films.

ThomasF__Veron
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le 7 déc. 2019

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Thomas F. Veron

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