janv 2010:

Pietrio Germi n'a pas réalisé que des comédies. Ainsi cette oeuvre très différente de "Signore e signori" que j'avais adoré et qui m'a permis de découvrir cet auteur. Ce maledetto imbroglio est un polar très noir, à l'intrigue somme toute assez classique. Elle met en scène une enquête policière autour du meurtre d'une femme. La tonalité poisseuse nous immerge dans une Italie complexe. Germi, sans le montrer de manière ostentatoire, approche des problèmes sociaux de cette Italie où le fascisme n'est pas encore digéré. Que ce soit le mal-être homosexuel ou la prostitution masculine par exemple, il aborde des thèmes rares. Il se dégage de ce film des impressions mélancoliques. Une atmosphère glauque empeste. Malgré cela les personnages s'efforcent de vivre par-dessus les décombres du fascisme et de la guerre, les débris humains qui surnagent.

Sur bien des aspects, ce film m'a fait souvent penser à "Maigret tend un piège" de Delannoy, d'un an son aîné. La musique d'abord, signée Carlo Rustichelli est très proche de celle de Paul Misraki, une longue plainte dans la nuit. Le personnage joué par Pietro Germi lui même, entre son galure, ses lunettes, son minois fatigué et son obstination désabusée à vouloir délier le vrai du faux ressemble à un jeune Gabin. La photographie très noire, léchée de Leonida Barboni accentue la qualité de la plongée dans ce quartier romain, son agitation du jour, son inquétant silence nocturne.

Les comédiens sont formidables. Vive l'Italie de Germi. Ils sont vifs, fins, pluriels. Je revois avec joie Saro Urzì, un bon gros, pas toujours finaud, qu'enfant j'avais vu dans les "Don Camillo". Il y jouait l'un des camarades de Peppone (Cervi). Surtout je retrouve la magnifique Eleonora Rossi Drago, qui m'a fortement ému récemment dans "Estate violenta". Son rôle est piccolo mais central. Que dire alors de la solide interprétation de Claudia Cardinale, si jeune, si belle et déjà si impressionnante dans la puissance comme dans la justesse de son jeu : fortissima! Franco Fabrizi est le seul finalement à ne pas déclencher un tonnerre d'applaudissements, en ce qui me concerne. Ceux que j'apprends à connaitre avec ce film sont très bons, je vais tenter de retenir leurs noms. La direction d'acteurs dans "Signore e signori" d'une efficacité sidérante avait considérablement joué sur le très grand plaisir que j'avais éprouvé. Je crois bien que cette capacité de Germi à tirer le meilleur parti de ses comédiens est à nouveau un élément clé de ce film.

Il lui manque cependant peut-être quelque chose : une sorte d'irrésolution alourdit la portée du film je le crains. Germi se cherche et trouvera plus tard -peut-être : je n'aime pas le ton péremptoire que prend cette phrase- dans la comédie grinçante la plénitude qui fait défaut ici. Ce polar se veut sérieux et grave. Il lui prend des accents mélodramatiques souvent, malgré les petites vignettes d'humour, furtives, comme intruses.

Un bon petit polar italien réalisé par un cinéaste dont j'attends bien plus.
Alligator
7
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le 30 mars 2013

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Alligator

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