[Critique parue dans The Jelly Brain #7, Septembre 2019]


Seulement un an après la sortie d’Hérédité, son premier film aussi jouissif que traumatisant, Ari Aster récidive en proposant un conte folklorique auréolé d’une hype étouffante. Mais est-elle méritée ?


Quelqu’un devrait sérieusement s’inquiéter de l’état d’esprit de ce jeune trentenaire, qui a déclaré dans plusieurs interviews s’inspirer de ses propres névroses pour écrire. Dans Midsommar, il a exploité la rupture qu’il vivait à l’époque pour rendre crédible la relation de couple au centre de l’intrigue. Le réalisateur New-Yorkais peut quand même se vanter d’être déjà une référence pour de nombreux amateurs de cinéma d’horreur, et vu la réputation que se taille sa dernière œuvre, sa popularité n’est pas prêt de décroître. Surtout que, contrairement à Hérédité, l’immense majorité du film se déroule de jour, ce qui ne fait que souligner l’efficacité du bonhomme.


Dès la première scène, le ton est donné : dans une ambiance oppressante rappelant Hérédité (comme pour passer le témoin), on assiste impuissant à la mort de 3 personnages d’une manière à la fois sadique et nauséabonde. Ce sentiment de nausée ne partira jamais vraiment, belle manière de s’identifier à la protagoniste traumatisée par la mort de ses proches. Les cadres millimétrés et la musique lancinante participent à créer une atmosphère lourde et tétanisante qui n’est pas sans rappeler certains films de Polanski ou de Kubrick. Là où Hérédité brillait par son rythme quasi frénétique, Midsommar choisit plutôt la carte de la contemplation et de la lenteur, ce qui en rebutera plus d’un, surtout au niveau de sa durée, qui dépasse les 150 minutes.


Le deuxième film d’Aster paraît bizarrement plus apprécié que son premier par le public, alors qu’il commet ici quelques maladresses d’écriture absentes d’Hérédité. Un certain manque de subtilité narrative tout d’abord, surtout concernant le personnage de Dani, dont on devine aisément le sort dès sa première scène avec Pelle. On peut dire la même chose concernant le traitement des autres personnages, dont certains manquent cruellement de profondeur. Pour ne citer que lui, on peut prendre l’exemple de Mark (incarné par Will Poulter), servant uniquement de comic relief et marquant de par sa stupidité. Heureusement que ces réserves restent minoritaires et ne gâchent pas le visionnage de cette œuvre inquiétante, bien servie par une imagerie aussi inspirée que grotesque.


Aster passe aisément le cap difficile du second opus en livrant un film fou, un trip sous acide au pays des païens qui marque durablement par des scènes difficiles à oublier et qui semble annoncer une suite de carrière pleine de promesses, que l’on suivra de toute façon avec intérêt.

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le 3 nov. 2019

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