C'est confirmé, après le ridicule mais parfois prometteur Hérédité, le cinéma d'Ari Aster montre son vrai visage. À l'image de la secte suédoise new age hors du temps qu'il dépeint, son cinéma usé de caricatures faciles saute dans le vide et s'écrase sur les poncifs, péniblement.


Recours à la drogue, backstory suicidaire, culpabilité et disparitions, resentiment du couple, jalousies masculines, le programme prometteur pourrait être jouissif si ces thèmes n'étaient pas servis pour enfiler des perles. Ces séquences narrtives servent à maquiller l'unique projet du film : du gore pour choquer. Projet cool de série B qui ne s'assume pas donc, et c'est là tout le problème d'égo du jeune Aster, qui laisse souvent un goût pateux d'insolation. Petit garçon bouillonant trop occupé à construire un 'style' identifiable pour se revendiquer auteur, on se tape de la psychologie puritaine de sitcom sans arrêt et justifier les moteurs du films. Mais le cinéaste inquiet de se faire un nom torche toute dimension credible a ses personnages pour foncer dans le tas. C'est quand meme une prouesse artistique de s'autoparodier dès son second film. Diagnostic: Tarantinite aigue.


Deux films malades, entre scénar pas plus épais qu'un direct to dvd, et donc un mépris pour le film de genre qui gangrène toute l'énergie du film, et une demarche, un peu schizo, partagée entre son envie de violence gratuite fun à la Quentin et d'amour référentiel présomptueux pour Bergman, dont Aster ne cesse de se réclamer en interview (le film est tourné en suède : t'as compris la ref d'une subtilité dingue qui n'apporte rien?). Bref pourquoi pas, mais le resultat n'est pas du tout à la hauteur de ses modèles. Ni le fun de l'un, ni la complexité de l'autre, on a donc toutes les erreurs d'un ado qui fait son premier film, soucieux de s'éclater avec ses pulsions immatures et des parodies de samples régurgitées grossierement ici et là, comme un jeune premier de la classe qui veut aussi être pote avec les cool kids du fond de la classe près du radiateur mais qui veut aussi impressionner son prof de ciné avec qq tentatives de citations intello cinéphiles. Le tout baigné dans un résultat frankenstein absurde qui crie le voyeurisme et la caricature du regard américain sur le reste du monde (les europeens ne sont pas plus libérés que nous, ce sont des deviants rétrogrades psychopathes, evidemment). Au final, on va mettre un petit monstre consanguin par ci avec une drôle de tête, un peu de LSD pour se souvenir de la virée au Burning Man l'été dernier, ça fera marrer les potes du club de foot de sa frat AlphaKappa chaipaquoi sur le campus universitaire, entre deux concours de bière pong. Bordel qu'est-ce que c'est beauf. Le film n'offre rien que Gaspar Noé n'ait pas tenté en mille fois plus puissant niveau mise en scène, qu'on aime ou qu'on déteste ses films. Que Quentin n'ait pas genialement réussit dans le grand final foutraque hyper gore hyper drôle de Once Upon a Time... Et je ne me lancerai pas sur Pasolini, où tous les excès crus sont la dénonciation même de notre nature humaine violente et voyeuriste, lorsque la structure sociale explose et la digue du surmoi cède avec. Comme ses personnages, on pourrait rappeler au réal qu'il en faut un peu plus que trois petits sociologues pour prétendre à un discours critique, et plus qu'une bonne DA des décors et des costumes pittoresques pour prétendre à l'impact d'un Délivrance.


Les trois petits points attribués sont : d'abord à l'étonnante presta de Florence Pugh, révélation qui tient tout le film sur ses epaules, ce qui est plutot brillant puisque son personnage n'ocile qu'entre gamine narcissique et conformiste, obsédée par sauver une façade de relation amoureuse sans amour, puis victime dépressive, puis victime foncedée façon woodstock, des paquerettes pleins les cheveux.
À la séquence d'ouverture, comme Hérédité la meilleure partie du film, à croire que le brave Ari esquisse juste de quoi pitcher son film aux prods pressés et faire forte impression, avant de lacher son stylo et se ruer sur le tournage pour se toucher la nouille en salivant.
Et enfin pour cette très belle idée de summercamp piégeux, où le soleil de satan illumine cette obscure descente aux enfers. Joli contrepoint, et beau travail du DP Pawel Pogorzelski.
À eviter puisque très long (2H30), pas très gore, pas de suspens, prévisible, paresseux, bref me suis laissé tenté par la note globale de sens critique et la promesse d'un Coachella version terroir qui part en toupie, mais je dois être passé à coté, je ne peux que vous offrir ces qq lignes pour vous dissuader de perdre votre temps avec ces quelques mises en garde argumentées.


Je vous laisse avec deux modestes reverences les amis
Le pitch de cette bonne vieile série TF1 des 90s, Sous le soleil, qui a qq modifs près résume ce film : "De joies en déceptions, les vies amoureuses et professionnelles de Laure, Caroline et Jessica ne manquent jamais de rebondissements sous le soleil de Saint Tropez ! "


Et puis pour se laver le neurone, un mot de Cocteau spécial pour Ari : " Le style n'est pas une danse, c'est une démarche"


Viva el cinema!

le_tapissier
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le 18 févr. 2020

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forêt fantôme

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