sept 2011:

Ce n'est pas que j'y sois allé à reculons mais presque. Je n'avais pas spécialement envie de voir le dernier Allen car depuis plusieurs années je sors systématiquement déçu de la salle, avec cette détestable impression que le maître est trop vieux, tout vide comme une vieille noix desséchée (vous pouvez mettre "couille" à la place, si vous voulez, ça peut amuser) et que pour combler, il radote des trucs déjà traités avec bien plus de finesse comique et de puissance poétique dans ses films précédents.

Mais là, l'opportunité de sortir avec ma belle me tendait les bras. Et finalement, j'ai trouvé ce film quand même plutôt mignon. Non, ce qui est plus proche de la réalité, c'est que j'ai été charmé par la présence d'Owen Wilson, malgré l'espèce de vacuité générale que j'ai cru déceler dans ce conte. Une nouvelle fois, Woody Allen développe un discours somme toute banal sur l'illusion d'un passé plus heureux que le présent. Scoop qui rappelle assez ces platitudes récentes que nous ont assené les derniers films du cinéaste. Impression générale. Manque de recul? Possible. Aujourd'hui, tout cela ne me touche plus. Mais alors plus du tout.

Heureusement qu'il met en scène un personnage attendrissant, un type paumé, émasculé par une harpie sans amour. D'ailleurs, à ce propos, je trouve vraiment dommage là encore qu'un Woody Allen nous serve ce type d'archétype extrêmement souligné. Faut-il que la copine d'Owen Wilson soit à ce point connasse et antipathique pour que le public soit avide de le voir décamper au plus tôt? Peut-on faire une comédie romantique sans ce genre de clichés à notre époque? Est-ce trop demander? J'aurais bien aimé que Woody Allen sorte des sentiers battus, prenne des risques, invente. Ce n'est pas le cas ici. Le maître est fatigué. Bourgeois, sans bohème. Quelques répliques fusent par-ci par-là pour nous rappeler qu'un temps Allen avait autrement plus de mordant. Mais le tranchant de la lame laisse quelque peu à désirer, comme émoussé.

Revenons à Owen Wilson qui nous propose quelque chose de rare, un personnage allénien, plus vrai et poétique que nature. Des intonations, si on les écoute de plus près, ressemblent à celles du metteur en scène mais finalement la petite musique de Wilson semble tellement naturelle, plus proche de lui même que du cinéaste. Et l'on se dit que Wilson fait un meilleur Allen que Woody.

Personnage lunaire, ce petit prince demande à son rêve de lui dessiner l'itinéraire de sa vie. Ce trajet onirique dans le Paris littéraire des années 20 puis de la Belle Époque ne surprend pas, correspondant bien à ce que peut faire Woody Allen. Amusant, jubilatoire. "La rose pourpre du Caire" par exemple était cependant beaucoup plus fort en émotions, c'est le moins que l'on puisse dire. Il n'empêche que le personnage de Wilson a quelque chose, une part d'enfance, peut-être qui touche. Émouvant, attendrissant, il m'a conquis en dépit de la grossièreté des personnages qui l'entourent et le dénigrent.

Le périple littéraire est un peu plus mitigé, drôle mais peut-être que le gag devient par trop redondant. Mention spéciale au rhinocéros de Dali, pour ma part j'ai bien aimé la face illuminée d'Adrian Brody.

Je crois que je vais délaisser les films de Woody Allen dorénavant, me contentant des anciens, plus fins et incisifs. Son cinéma s'est empâté, trop embourgeoisé, manquant d'ouverture, d'audace, de modernité et de pertinence. Par contre, je suivrai volontiers les aventures d'Owen Wilson, un acteur qui commence à compter pour mézigue.
Alligator
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le 19 avr. 2013

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Alligator

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