Quelques films, dont le très remarquable Blue Jasmine, emmené au pinacle par une Cate Blanchett impériale, me font revenir encore et encore à la filmographie de Woody Allen, en dépit de l'aversion que me provoque la majorité de son œuvre, bavarde, superficielle, artificielle, misogyne et globalement trop jaune. Mais celui-ci vient se ranger dans la colonne des films supportables, voire dotés d'un certain charme. Alors, bon, on ne peut pas dire qu'il ne soit pas bavard ou artificiel, puisque le dispositif temporel est mis en place à l'arrachée, sans doigté, et que le personnage est un double horripilant du réalisateur, avec son débit caractéristique et sa douceur caressante qui semble toujours cacher des intentions suspectes. Ceci dit, Allen nous livre ensuite un petit conte moral gentillet qui joue sur les ressorts de sauts temporels dans un Paris caricatural plutôt sympathique, où la fine fleur intellectuelle des années folles s'anime sous nos yeux. Mention spéciale au Dali incarné avec gourmandise par Adrian Brody. On y croise une distribution hallucinante, qui s'amuse visiblement beaucoup et réhabilite, dans sa partie française, le talent pour les langues de nos concitoyens, cocorico. La mode initiée par Maurice Chevalier est passée, triple hourra ! Remarquons au passage que cela ne doit rien, mais alors rien, à la réforme de l'enseignement des langues initiée par le gouvernement Sarkozy, même si Carla Bruni vient fourbement tenter de nous le faire croire. Elle ne fait pas illusion longtemps. Ne soyez pas dupes, depuis ce temps-là, le Ministère n'a fait qu'enlever des moyens, des postes et des heures et non, vos enfants ne seront pas du tout du tout bilingues après 7 ans d'apprentissage de l'anglais. Je présume que nos actrices qui se débrouillent si bien se payent des coachs privés à grands frais et que vous devrez en passer par là si vous voulez vous aussi que vos rejetons soient capables de deviser de leurs histoires de cœur avec Owen Wilson dans la langue de Shakespeare, parce que nul doute que c'est le Plan... Je referme ma parenthèse agacée. Après les cartes postales du Paris contemporain du générique et les clichés du Paris des Années Folles, Allen se paie même une petite promenade à la Belle Époque. Un rêve de touriste temporel ! L'artificialité du dispositif cède le pas au plaisir qu'on prend à nous retrouver chez Maxim's avec Toulouse-Lautrec et Gauguin, sur un petit air guilleret de jazz manouche. C'est une grande soupe confectionnée avec trop d'ingrédients, mais, au final, ça a plutôt bon goût, c'est digeste et léger, et ça ne mange pas de pain. Bref, une gentille petite collation apéritive tout à fait recommandable.

Créée

le 10 févr. 2021

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