Avis à chaud suite à l'avant-première du film, ce 10 décembre au soir (il sort le 26 décembre).
C'est ma foi le moins que je puisse faire pour remercier cette petite place reçue par mail il y a quelques jours.


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Chaque nouveau Hosoda est un évènement attendu. Avec le temps, le cinéaste est devenu une valeur sûre capable de renouveler intelligemment ses histoires tout en restant dans ses thématiques, la famille par exemple mais aussi l'incursion de l'imaginaire dans le réel.


Avec le recul, on peut même écrire que la famille est au centre de son oeuvre. C'était la réunion de celle-ci en un front uni qui permettait au final de vaincre la menace plus ou moins virtuelle (puisqu'elle s'immisçait à la longue dans le réel) de Summer Wars. C'était celle-ci qui était interrogée à travers les questionnements liés à l'élevage d'un enfant et son apprentissage de la vie dans Les enfants loups, Ame & Yuki.


Elle est à nouveau ici un lieu de richesse inépuisable pour Kun et sa petite famille. Et quand je dis richesse, c'est parce que Hosoda ne se contente pas d'évoquer la famille à l'instant présent avec le petit Kun et l'arrivée de Miraï joli petit bébé, sa petite soeur (que Kun regarde d'un mauvais oeil à son arrivée) ainsi que le père et la mère. Non, Hosoda va aussi évoquer la famille dans son ensemble, qu'elle soit passée et à venir (très belle idée d'un arbre au centre de la cour comme "patrimoine généalogique familial" même si l'utilisation proposée frôle le bordélique, d'ailleurs un défaut que je commence à relever de plus en plus avec le temps chez le cinéaste, on va y revenir plus bas). Et pour celà, quoi de plus sympathique que d'inclure à nouveau l'imaginaire à fond dans le réel ?


La maison de Kun étant construite et désignée, on le comprend vite, par son papa architecte, le cinéaste bâtit un premier espace : un espace de vie à plusieurs niveaux. Il s'agit de la maison dans son ensemble et les nombreuses plongées et contreplongées qui rythment les "chapitres" du films ne se lassent pas de nous la présenter à plusieurs moments de la journée, plusieurs ressentis (si vous regardez bien au début les couleurs un peu grisâtres sont liés à l'hiver). Fait étrange très vite accepté par le spectateur, une petite cour surélevée s'intercale en dessous des étages de vie (la maison est construite comme bâtie sur plusieurs marches d'escaliers, voyez le film, vous allez me comprendre très vite) où les personnages mangent et dorment (et font probablement caca mais chut). En dessous de cette petite cour rectangulaire (où trône un arbre tout seul en son centre), un patio ou verranda où Kun joue avec ses petits trains électriques, encore en dessous enfin et via un escalier l'entrée de la maison vers la rue.


Eh bien c'est dans cette petite cour, située en plein milieu de la maison que l'imaginaire déboulera régulièrement dans la vie du petit Kun, l'aidant progressivement à accepter les épreuves de la vie (dont l'acceptation de cette petite soeur qu'il n'aime pas des masses). Une sorte d'espace mental qu'on imagine vivre au gré de l'imagination du gamin, à moins que les personnages qui lui apparaissent viennent directement de leur propre gré, sorte de Doc et Marty de l'animation, donc du passé comme du futur, pour aider le jeune Kun. Dans un film live, ce genre de procédé marcherait difficilement sans le talent d'un grand réalisateur et je ne vois que Guillermo Del Toro avec Le Labyrinthe de Pan (voire L'échine du Diable) pour avoir su entremêler si bien imaginaire vivace lié fortement (et "influençant", restons dans l'ambiguïté chère au film de Del Toro, ceux qui l'ont vu me comprendront) au réel.


Ici, magie de l'animation, on l'accepte directement. Il faut dire aussi que le réalisateur n'a pas son pareil pour faire passer le tout avec sincérité (il est papa et a avoué en interview s'être pas mal inspiré de ce qu'il a vu chez ses enfants comme des débats avec sa femme), naturel (la gamine est trop mignonne même si à mon avis.. elle pleure pas assez héhé) et beaucoup d'humour. On oubliera pas de sitôt ce 1,2,3 soleil ou ce cache-cache pour ne pas se faire remarquer de son paternel dans une situation anodine qui prend vite des allures dantesques, une des meilleures séquences du film ! Et le running gag à base d'Onibaba, bien sûr.


J'ai donc au final passé un très bon moment avec même quelques larmes d'émotion dans les yeux devant ce qui est une fois de plus une merveille d'animation par maître Hosoda. Il y a toutefois un petit truc qui m'embête et m'avait gâché la dernière partie de son précédent film, Le garçon et la bête. Voilà, à chaque fois, et en un sens c'est tout à son honneur, Hosoda pousse le concept imaginaire/réalité très loin. Mais au lieu de se poser une ou plusieurs barrières, le cinéaste veut tout faire en même temps, trop donner et finit parfois par perdre le spectateur ou livrer des trucs contraire à la morale ou la ligne scénaristique qu'il s'était fixé. Ici, a un moment crucial, alors que le petit Kun ne se contente plus de faire venir à lui les rencontres mais les provoque en quelque sorte en allant directement vers elle, le film prend une grosse embardée (attention léger spoil'... sans trop en dévoiler hein je vous rassure),


cumulant les idées mais manquant de dévier de son but initial (des sièges avec des têtes de mort dans un film fait pour les adultes mais aussi et surtout les enfants ? Un truc à la Giger que même Miyazaki n'a jamais fait bon sang), en plus de prendre une direction "le virtuel c'est trop ouf" qui est bienvenue dans Summer Wars (normal c'est LA toile de fond de ce film, du moins en apparence puisque les relations humaines en sont l'autre toile, sous le vernis, plus profond) mais ici ne sert juste qu'à épater la galerie genre "t'as vu j'ai eu quand même du budget et de l'image de synthèse trop stylée de design pour mon film hein ?" .... Oui mais bon sang, quand on fait une statue, une architecture, un dessin, une peinture, on ne montre pas d'une manière si évidente la structure de l'oeuvre, ça gâche toute l'esthétique et la magie ressentie après punaise !


... Tu m'étonnes après ça qu'un spectateur derrière moi discutant à sa copine trouvait "le film super cool mais au milieu j'ai rien compris". Ben ouais, c'est Hosoda en chute libre et ça commence à se voir un peu trop.


Après, personnellement c'est un détail mais ça m'a bien moins gêné que sur Le garçon et la bête où le final me semblait une concession à la société et aux films d'animation actuels. Miraï heureusement s'avère de ce point de vue presque parfait.


Et surtout très touchant.


Après tout, Miraï c'est un peu comme notre petite soeur dans le fond, aussi non ?

Nio_Lynes
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le 10 déc. 2018

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Nio_Lynes

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