Daniel ne peut pas travailler car il a des problèmes de cœur. Il ne peut pas non plus toucher d'aides car les autorités compétentes en ont décidé ainsi. Katie, fraîchement débarquée de Londres avec ses deux mômes, multiplie les problèmes avec le « Pôle Emploi » britannique. La rencontre de ces deux personnages donne une formidable leçon d'humanité. Pas de doute, nous sommes chez Ken Loach : La langue claque comme une musique urbaine et le propos est engagé. Sur la forme, le film est sobre, sans musique ou presque et les effets sont minimalistes. L'attention est portée sur les personnages, ces humains confrontés au rouleau compresseur de l'administration, cette machine qui broie celui qui n'en comprend pas les codes. Ici, il est évident que les codes sont faits expressément pour ne pas être compris et pour laisser sur le bord du chemin celui que l'on accusera d'oisiveté. Il y a des scènes effrayantes et révoltantes comme j'en ai vues peu. Ça prend aux tripes et donne envie d'exploser la tronche des ordures qui profitent de ce système ou de ceux qui le cautionnent. Mais le film n'est pas pessimiste ou misérabiliste, loin de là. Il rappelle que le rempart contre l'horreur est précisément cette humanité à laquelle il faut s'attacher absolument, que la solidarité n'est pas un slogan à répéter selon le sens du vent. Il y a aussi l'idée que le système prive l'individu de sa responsabilité vis à vis de son prochain. Il ne s'agit donc pas d'une fable moralisatrice et manichéenne dans laquelle le vilain serait montré du doigt. Ici, le « méchant » n'a pas de nom, il est en chacun de nous dès lors que nous cessons d'assumer notre responsabilité dans les choix (politiques notamment) que nous faisons. Bref, un film terrible et lumineux, qui ne pourra laisser personne de marbre, à faire voir à tous les décideurs politiques et à leurs groupies. La Grande-Bretagne d'aujourd'hui est la France de demain si nous ne décidons pas de mettre fin au massacre. Merci à Ken Loach de réussir à montrer ce qu'on peine parfois à voir.