Mon père est femme de ménage par pierrick_D_

La romancière Saphia Azzeddine a choisi pour sa première réalisation d'adapter un de ses livres,et on a l'impression que cette histoire passait mieux à l'écrit car,telle quelle,cette chronique d'une adolescence en banlieue parisienne manque de relief,d'autant qu'on ne voit pas bien où son auteur veut en venir.Au fil de scènes inégales,nous suivons la vie douce-amère de Polo,16 ans,dont le parcours est plutôt ordinaire.Il habite un HLM pas terrible mais pas trop pourri non plus,sa famille est très modeste mais aimante,et ses amis sont turbulents mais au fond sympas.Evidemment,tout n'est pas parfait et l'accent est mis sur les problèmes du jeune garçon.Il aime une fille d'un milieu bourgeois mais n'ose se déclarer.Il a honte de son père,un brave type bas de plafond et un peu réac,dont tout le monde se moque car il fait des ménages,un "métier de femme",et Polo a honte d'avoir honte.Sa mère est handicapée et passe ses journées au lit, devant la télé,à s'abrutir de tous les programmes les plus nazes,tandis que sa soeur,esthéticienne totalement inculte,rêve de participer à un concours de miss.Entre le lycée et la maison,l'adolescent,intelligent et impassible,tente de frayer son chemin.Tout comme Saphia Azzeddine,inspirée à certains moments,beaucoup moins à d'autres.Sa version édulcorée de la banlieue,par exemple, ne convainc guère.Les tensions extra et intra-communautaires sont certes évoquées,mais elles restent gentillettes.Des blagues racistes sont échangées sans que jamais ça ne dégénère,et les gens parviennent à s'entendre.La bande de copains de Polo tient de l'échantillonnage systématique,le petit blanc ayant pour potes un arabe,un noir et un juif.Tiens,pas d'asiatique,bizarre.Il est vrai qu'il n'y a jamais de problèmes avec eux,et qu'il est donc inutile de les valoriser.Par contre,la réalisatrice vise juste lorsqu'elle décrit,non sans une certaine cruauté,les désagréments de la pauvreté.Ainsi,la mère et la soeur du jeune héros sont confites dans la beauferie pour sans dents qui tient maintenant lieu de culture à ces populations,entre séries américaines débiles,télé-réalités abrutissantes et projets de vie stupides comme celui d'Alexandra,être miss,ou celui de Jérôme,devenir rapeur.Et puis il y a l'humiliation, qui guette en permanence les pauvres gens et surgit au détour d'une scène,provoquant le malaise.Les séquences du restaurant "chic" ou de l'engueulade du père par son patron en présence de son fils sont très fortes et font regretter qu'Azzeddine n'ait pas plus emprunté cette direction.La scène du concours de Miss,avec les discours niais et stéréotypés des candidates,est également assez gratinée.Un qui a bien bossé sur ce film,c'est le directeur de casting Gérard Moulévrier,tant les rôles sont parfaitement distribués.Jérémie Duvall,qui joue Polo,parvient à porter l'histoire et confirmait qu'il était à l'époque l'ado incontournable du cinéma français.Il venait de tourner "Le fils à Jo",où il avait pour père Gérard Lanvin,et on l'a vu ensuite dans le téléfilm "Délit de fuite",avec Eric Cantona comme papa.Ici,son paternel est le toujours impeccable François Cluzet,mais son personnage est un peu en retrait.La frangine du héros est incarnée par Alison Wheeler,qui se fera connaître en faisant partie de l'équipe du Studio Bagel,puis en tant que Miss Météo de Canal+.Elle est donc finalement parvenue à être Miss.A noter les apparitions des indispensables Nicky Marbot,en vendeur de papier peint,et Eric Naggar,en employé de banque.Et surtout,dans le rôle de Rudy,le feuj de la bande,le génial Jules Sitruk.Le gamin de "Monsieur Batignole" a énormément grandi,mais sa présence continue à éclabousser l'écran.