Au départ, ils évoquent une bande réunie en colonie de vacances. Ou chez les scouts. Mais non, les enfants qu'on nous présente obéissent à un ordre martial : ils se mettent au garde-à-vous, s'entraînent au combat, portent des armes...et veillent sur leur otage, une américaine.
C'est le point de départ d'un film contant la déréliction du corps social sitôt qu'il trouve ses racines dans les cendres de la guerre. Après Porfirio, Alejandro Landes persiste et signe en livrant une plongée dans une guerre civile colombienne inarrêtable malgré les accords de cessez-le-feu. Avoir choisi la jeunesse comme angle d'approche n'a rien d'anodin, puisqu'elle est la première victime de cette situation inextricable.
Utilisés comme chair à canons, dépossédés de repères moraux et de leur libre-arbitre, les gamins/adolescents sont restreints à des rituels primitifs et une hiérarchie cruelle, ne créant rien d'autre qu'une génération encore plus sauvage que la précédente. L'influence de Sa majesté des mouches signé William Golding est prégnante.
Monos est triste, Monos est en colère. Mais pas complètement désespéré. Car même dans une conjoncture aussi obscure, un filtre de lumière continue à percer sitôt que l'empathie et le bon sens viennent naturellement à certains. À l'instar du jeune héros de Requiem pour un massacre (de Elem Klimov, sorti en 1985) - auquel on pense souvent (notamment dans son dernier plan face caméra) - le film de Landes est un cri du cœur à ces générations forcées et fauchées par la violence guerrière.
Le traitement est frontal, viscéral parfois au bord de l'insoutenable. À d'autres moment, la caméra se fige sur les visages de ces personnages et l'humanité pointe sur chacun d'eux. La vraie réussite, c'est de juxtaposer les séquences de patrouille (brutales, inconfortables) à de courts moments où nos jeunes protagonistes redeviennent des enfants qui s'amusent et se découvrent.
Monos accuse quelques longueurs dans ses deux parties, ce qui ne l'empêche pas de frapper fort à plusieurs reprises dans ce voyage au bout d'un enfer que même les plus chanceux ou compatissants n'arriveront jamais à effacer.