Stromberg voulait conquérir les océans en rayant l’humanité de la carte dans L’Espion qui m’aimait, et voilà que Drax cherche à appliquer sa sentence divine depuis l’espace dans Moonraker. Comme il y a quelques films déjà, nous quittons les abysses pour les cieux, pour le meilleur… et pour le pire.


Moonraker est un épisode assez marquant de la saga James Bond, se situant en plein milieu de l’ère Roger Moore, avec toute cette partie se déroulant dans l’espace, et le célèbre Requin, bien sûr. Un film qui ose, à n’en pas douter, et que je revoyais avec un a priori négatif, ayant toujours considéré ce onzième volet comme étant très bancal, voire ridicule. Mais il convient de toujours éprouver ses convictions. En tout cas, en 1979, nous sommes dans une période où la science-fiction est un genre à succès. Star Wars en tête, bien sûr, mais aussi Rencontres du troisième type, ou encore Alien ont marqué des étapes majeures dans l’histoire du genre. Et si James Bond est une saga qui semble intemporelle tant elle existe depuis longtemps aujourd’hui, mais elle n’a pas échappé aux effets de mode.


Après la Blaxploitation dans Vivre et laisser mourir, et le kung-fu dans L’Homme au pistolet d’or, voilà que la science-fiction vient s’inviter dans l’univers de l’agent britannique. Cependant, tout commence bien sur Terre, avec un début qui est même prometteur. Bond enquête, découvre une femme de poigne en la personne de Holly Goodhead, qui lui tient tête et lui fait ravaler ses préjugés machistes, et il fait également la rencontre du sinistre Drax, campé par le regretté Michael Lonsdale. Entre ambiguïtés, suspense et tragédies, Moonraker suit une bonne cadence et tient en haleine. Mais l’illusion sera brève. Au détour d’une scène ubuesque en plein cœur de Venise, Moonraker change radicalement son fusil d’épaule, assumant un humour et un détachement complets, donnant l’impression de voir deux films en un, tant le ton change, et nous plongeant dans un divertissement souvent balourd, foutraque, et parfois ridicule.


L’Espion qui m’aimait avait remis la saga sur les rails, parvenant à intégrer cette nouvelle approche de James Bond dans un ensemble plus harmonieux, intelligent mais tout de même divertissant. Moonraker choisit, au contraire, le relâchement total, d’être décomplexé, usant et abusant l’humour comme moyen de divertissement privilégié. A cela s’ajoute une volonté d’intégrer des références à d’autres films, ce qui peut donner lieu à des clins d’œil amusant, mais dans cet ensemble où tout est disproportionné, cela donne à Moonraker de vilains airs de « film-pastiche », dénaturant James Bond, qui semble ne plus se suffire à lui-même. Une nouvelle fois, l’humour, déjà présent à l’époque de Sean Connery notamment, n’a rien de rédhibitoire, et il fait d’ailleurs la spécificité des films avec Roger Moore, mais son dosage a toujours été un véritable problème. Et il suffit de voir le traitement offert à l’infortuné Requin, méchant mémorable du film précédent, reprenant ici du service pour que le mythe soit finalement détruit par des rebondissements écrits avec la finesse d’un bulldozer.


On ne pourra pas reprocher à Moonraker son jusqu’auboutisme, à l’image de cette bataille spatiale aussi impressionnante que ridicule. Certains apprécient (et c’est tout à fait leur droit) ce grain de folie, cette apologie du divertissement, qui, personnellement, me paraît excessive. Bond veut faire comme les autres, alors que James Bond, c’est James Bond, avec son univers, et ses codes, qui peuvent être déclinés de manières suffisamment variées pour ne pas avoir à faire comme les autres. Telle une exponentielle, il démarre avec rigueur et de manière solennelle pour s’envoler dans l’excès et la démesure. Trop de blagues, trop de folies, trop de tout. Moonraker finit par être enfantin, et être une parodie de James Bond. Il est dommage, finalement, que cela n’ait pas continué comme cela avait commencé. Mais l’opportunisme a corrompu James Bond, qui a visé les étoiles, mais qui aurait bien besoin de redescendre un peu sur terre.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 29 sept. 2020

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