Bon OK, je le reconnais : le titre annonçait un petit peu le désastre.
Mais bon, en cette fin d’année désespérément atone, reconnaissons tout de même à ce film le mérite d’avoir un pitch plein de promesses.
Quand même ! Un monde post-apocalyptique. Des cités qui se déplacent. Un trip visuel annoncé par l’affiche qui semblait faire se percuter les univers du « Château ambulant » et de « Steamboy ».
Tout cela annonçait de belles vertus qui manquent pas mal au cinéma d’aujourd’hui : la prise de risque et puis aussi ce machin auquel on avait recours parfois auparavant – Rah ! J’ai le nom sur le bout de la langue ! – de la créativité !
Voilà c’est ça ! Oui, moi je trouve que ce film avait l’air de tenter d’ouvrir une porte vers quelque-chose de créatif. Maladroitement certes (« Motel Engines » que ça s’appelle quand même… Non mais oh !), mais il avait l’air de le tenter malgré tout…


Et puis je me suis posé devant ce film…
Et là, effectivement, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que ça allait être mort de chez mort.
Une minute, en gros.
Oui, il ne m’a fallu qu’une seule minute pour que tous mes espoirs s’envolent.


C’est bête, mais quand tu te rends compte que dès le premier champ - contrechamp il n’y a déjà aucun effort de fait ; que le réalisateur ne semble s’être posé aucune question sur la manière de construire les images qui vont présenter le lieu, le personnage principal et l’intrigue, là tu ne peux plus décemment y croire.
Une vue subjective à la jumelle en guise de plan d’ouverture ? Sérieux ?
On est au cinéma, dans un temple au service de l’immersion sonore et visuelle, et toi – Christian Rivers – tu proposes en guise d'ouverture un travelling pas très net sur un paysage numérique, et tout cela vu au travers d’un appareil dégueulasse ?
C’est comme ça que tu veux que les spectateurs rentrent en contact avec ton univers ?
Et ces contrechamps qui te posent ton personnage principal en plan poitrine et plein axe ? C'est une blague ?
Eh mais c’est pas un portrait à poser sur une commode qu’on te demande de cadrer !
Essaye au moins d'amener ton personnage par un angle d'attaque ! Un regard ! Un objet singulier ! Une expression énigmatique !
Là on a juste une pauvre louloute filmée en plan poitrine qui baisse et redresse ses jumelles. C'est limite si on doit s'étonner du fait qu'il y ait une légère contre-plongée pour donner plus d'envergure au personnage !
Non mais oh !
Un personnage principal ça s'introduit mieux que ça !
Il faut que tu génères du mystère autour de lui ! Eh ! C’est pas parce que ton héroïne elle porte un foulard sur le nez que ça suffit pour la rendre énigmatique ! Sinon à ce tarif là un blocus lycéen ça deviendrait vite une partie live de « Myst » !


J’ai conscience qu’en disant cela on pourrait me reprocher d’ergoter sur des détails.
Mais ces détails – justement – n’en sont pas.
Quand un film t’envoie comme premier message « les possibilités narratives que me propose le cinéma je m’en fous, ce qui compte me concernant c’est de montrer au plus vite des grosses villes en CGI », pour moi ça te dit tout.
Ça te dit que la seule ambition de « Mortal Engines » c’est simplement de faire ce que font tous les romans pour ados du moment : montrer des décors fantastiques et féeriques, le tout couplé à une microsociété aux allures elle-même fantastiques et féeriques (il faudra d’ailleurs m’expliquer pourquoi dans ces films, les castes sociales fermées semblent un élément constitutif de la féerie.)


Manifestement, il n’y a pas d’autres ambitions que ça.
Les scènes ne sont là que pour faire de la démonstration.
Soit il s’agit d’une scène d’action pour explorer les entrailles de la bête et les différents lieux, soit il s’agit de longs dialogues qui sont là pour explorer les personnages ou bien les différentes strates sociales qui composent ces cités et leur extérieur.
Ça reprend tellement mécaniquement les codes de la littérature adolescente que rien n'a de quoi surprendre le spectateur.
Tous les clichés sont là, aussi bien dans les caractères, les physiques que les actions accomplies.
Et franchement c’est vraiment très triste d’assister à ça parce que d’un autre côté il est malgré tout assez difficile de dire que ce film est l’incarnation totale de la « zéro créativité ».


Pour le coup, « Mortal Engines » s’efforce de poser beaucoup de personnages, d’enjeux différents, voire même des courants de pensées.
Il bâtit d’ailleurs ses mystères à résoudre sur beaucoup de niveaux, à la fois sur le passé des personnages, le passé lié aux Anciens, sur le plan secret mené par les dirigeants londoniens, ou bien encore sur l’état du monde en dehors des cités…
Même chose d’ailleurs sur ces cités en elles-mêmes ! Elles regorgent de trésors visuels ! Difficile de dire qu’il n’y a pas de boulot créatif là-dedans !
Il y a tout un jeu entre le steampunk, l’imagerie d’Epinal et le mécano qui est assez poussé et qui aurait justement mérité une bien meilleure mise en valeur que ces va-et-vient nauséeux avec lesquels on nous montre tellement de choses en si peu de temps qu'il est impossible de s'attarder sur quoi que ce soit.


Cette absence totale d’ambition (et de talent) cinématographique fait que ce film n’exploite jamais ses points forts.
Au lieu de ça, il se noie dans des conventions visuelles, narratives et sonores (Oh par tous les dieux la musique quelle horreur !) qui transforment ce plat doté de quelques bons ingrédients en grosse gélatine ultra sucrée et absolument écœurante.


Vous l’aurez donc compris, je trouve que ce film est un véritable flop.
Mais si j’ai passé autant de temps à vous expliquer pourquoi je le perçois ainsi c’est tout de même pour mettre le doigt sur ce qu’il y a de plus frustrant dans toute cette histoire.
Il y avait dans ce « Mortal Engines » de quoi faire une œuvre vraiment créative et enivrante.
Mais s’il échoue à parvenir à ses fins, c’est juste parce que le plan de production a été de tout miser sur ce qui rassure (plein d’effets visuels partout et une structure narrative standard) plutôt que de miser sur ce qui fait rêver (une réalisation qui sait jouer de la grammaire cinématographique pour faire en sorte que le spectateur soit pris par quelque-chose qui aille au-delà de la simple accumulation d’images et du sons).
Un simple changement de philosophie nous aurait permis d’avoir un film qui coûte moins cher et qui soit davantage audacieux.
Bref un film qui aurait été vraiment créatif pour le coup…


Mais bon, à croire que de nos jours, ce genre d’audace, c’est un coût que plus grand monde n’est prêt à prendre.
Triste tout ça…

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le 19 déc. 2018

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