Ouch ! Pas top du tout, dis donc !


L'intrigue est assez faiblement développée : Darren répète les mêmes scènes durant tout le film ; certes il travaille sur une forme de crescendo, mais vu que le résultat est le même, qu'il se contente juste d'aller un peu plus loin, on se lasse vite de ce petit jeu ; en fait, l'auteur aurait pu être plus concis et s'en tenir à un métrage d'une heure dix. Et le dénouement final, à vrai dire, on s'en fiche un peu. On avait compris le message bien plus tôt, le jeu sur le diamant n'était franchement pas nécessaire (surtout vu la manière dont c'est exploité, à croire que l'auteur injecte du symbolisme sans réellement s'en soucier).


Les personnages sont faiblement développés : la caractérisation du mari est intéressante, de même que celle des étrangers qui s'invitent tous. Mais c'est traité toujours de la même façon. L'auteur ne prend pas assez de risque, il ne met jamais ses personnages en danger, ne propose jamais d'aller dans une direction inattendue, il se contente de les exploiter d'une seule manière tout au long du film. L'héroïne est sans doute la moins intéressante : complètement vidée d'une quelconque psychologie, il ne lui reste plus qu'à s'énerver ou avoir peur.


Il est amusant de s'imaginer que Darren établit là son propre portrait de l'artiste adulé qu'il rêve d'être (après tout il fait preuve d'une certaine mégalomanie depuis ses débuts) ; c'est donc appréciable de voir un tel regard lucide (puisqu'il montre ça négativement ; paraîtrait que cette attitude lui aura valu sa rupture avec Miss Lawrence). Malheureusement l'auteur se détourne de son propre sujet en amenant un bordel pas possible à la fin, au point que toutes les notes symboliques perdent de leur sens tant ça part dans tous les sens. Il reste l'autre thème, celui de la création, du besoin de créer soi-même ; j'ai trouvé cet axe bien trop sous-développé pour être réellement intéressant. De temps en temps l'auteur y revient mais avec une certaine indifférence comme si au fond tout ce qui l'intéressait était de traiter de son besoin d'être aimé.


L'aspect horreur ne prend jamais. Certes il y a une ambiance malsaine dans cette maison toujours envahie d'inconnus, mais il n'y a pas beaucoup de moments où vraiment on a une atmosphère travaillée à l'écriture. On s'ennuie donc un peu face à cette approche timide du genre. L'auteur tombe régulièrement dans le bizarre facile sans jamais oser développer une approche ou l'autre. Le mystère seul ne suffit pas à créer la peur.


La mise en scène est peu plaisante. Le parti pris d'avoir l'actrice principale dans tous les plans ne sert absolument pas l'intrigue, surtout quand celle-ci n'a rien à dire, rien à faire. C'est surtout gênant lorsque cela perturbe le champ-contrechamp d'une scène ; ce ne sont pas des sautes d'axe mais le rapport de l'un à l'autre est parfois un peu étrange. Et puis Darren en fait tellement : pourquoi ne pas se la jouer discrètement ? pourquoi ne pas amener subtilement l'actrice dans chaque plan plutôt que de lui tourner autour de manière aussi grossière.


De plus, la manière dont il suit ses acteurs ne rime plus à grand chose aujourd'hui : c'est devenu systématique, ça n'a plus autant de force que dans, par exemple, "The Wrestler", c'est devenu un artifice facile dénué de sens. Cela casse aussi la volonté de faire sursauter son spectateur : j'ai rarement vu d'aussi mauvais jumpscare (en plus je ne sais pas ce que ça vient ficher dans un film pareil, ça désamorce complètement les ambiances que l'auteur essaie péniblement de créer).


Les effets spéciaux sont hideux. Et commencer son film par d'aussi laides images est une belle manière de le foutre en l'air. Autant je peux comprendre que certains éléments soient compliqués (encore que, des maisons qui se régénèrent, ça a déjà été fait sans CGI) autant d'autres m'ont choqué tant l'auteur tombe dans la facilité : cette maison, il aurait fallu la rendre vivante grâce à un vrai travail de texture : tous les inserts numériques du coeur auraient gagné à être réalisés à l'ancienne. Pareil pour le trou dans le plancher avec du sang, même ça on dirait que ça a été retouché... c'en devient ridicule.


Le travail sonore ne m'a pas particulièrement interpellé. Ce qui m'emmerde avec les bandes sons de ce genre, c'est que, souvent, le travail sonore se résume à du bidouillage avec des sons un peu bizarres. Il est vrai que certains sons sont bien trouvés, n'empêche que ça n'est pas ce que j'attends d'un film lorsqu'on vante aux oscars son aspect sonore ; j'attendais un travail d'ambiance plus immersif ou plus expérimental. Au final c'est très timide et aussi peu inventif que les effets visuels que propose le réalisateur.


Les acteurs sont corrects. Bardem est celui qui marque le plus, ayant plus de choses à jouer et ce selon une caractérisation clairement établie. Lawrence, si elle m'a bluffé dans "Passengers" m'a paru ici peu mémorable : normal avec un personnage aussi vide, il ne reste plus qu'à jouer les émotions de manière anonyme, si bien que l'actrice aurait pu être remplacée par n'importe qui (ce que l'auteur fait d'ailleurs). Les autres seconds rôles semblent s'amuser à enquiquiner l'héroïne. Mais je suis déçu du casting, voir des gueules connues dans des rôles insignifiants, ça fait un peu sortir du contexte cinématographique : ce film ne demandait vraiment pas la présence de caméos comme on peut en faire dans une comédie made in Apatow.


Bref, je me suis assez ennuyé devant ce film. M'enfin, la bonne chose c'est qu'on voit la poitrine de Jenni (d'abord au travers de sa nuisette et ensuite lors d'un règlement de compte musclé à la fin).

Fatpooper
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le 24 déc. 2017

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