Intéressant de découvrir ce film après avoir vu son célèbre remake par Cronenberg ; l'artiste canadien a tellement pris de liberté par rapport à l'original mais en même temps les deux films apparaissent comme complémentaires pour mieux les comprendre, mieux les appréhender.
Le scénario est tout simple et fonctionne globalement bien. Le seul problème pour moi, c'est que c'est un peu mou, il ne se passe pas grand chose. En même temps ce pas grand chose est la force de l'oeuvre, on suit cette gamine sans pouvoir jamais la comprendre. Au vu du résumé, je m'attendais à un truc misérabiliste, c'est vrai que parfois c'est pas loin, mais Bresson se montre suffisamment neutre dans sa narration pour éviter de sombrer dans cette facilité ; en fait, y a des 'bons', y a des 'méchants', et puis y a Mouchette qui vit sa vie, qui est sur le point de devenir une femme et dont la fin dans la rivière est assez lourde de sens. Tout le monde veut la cueillir la petite mouchette, que ce soit pour rigoler avec un copain au détour d'une rue, lors d'un jeu forain (la technique du rentre-dedans, très efficace dans les petits villages) ou bien dans les bois. Tout ça c'est donc super en plus Bresson n'en fait pas trop au niveau symbolisme et tant mieux vu que c'est quand même évident la plupart du temps. Non, le problème, c'est qu'il ne se passe pas grand chose et que les personnages nous sont tous hermétiques. Forcément, pour trouver des repères dans tout ça, c'est un peu compliqué.
Surtout que ce chenapan de réalisateur est clairement influencé par le surréalisme. Ici, il s'amuse avec le jeu stoïque de ses acteurs qui donne lieu à des scènes très étranges, comme issues d'un rêve (ou plutôt d'un cauchemar de l'héroïne ?). Mais en même temps, ça n'est pas assez appuyé pour faire vraiment mouche (haha), Bresson ne va pas assez loin dans cette démarche de l'absurde. Il y a aussi ce côté contemplatif qui ne fonctionne pas très bien, peut-être parce qu'il n'y a pas grand chose à contempler. C'est dommage parce que l'ouverture avec le lapin pris dans le collet est très jolie à regarder. Mais bon, cela permet aussi de fixer un ton particulier, ton auquel se tient le monteur tout au long du film. Les acteurs sont plaisants à regarder, qu'ils jouent bien ou pas : ce que je veux dire, c'est que Bresson parvient à installer un univers où ce genre de prestation trouve sa place, où ça paraît cohérent. Du coup, je n'ai jamais été gêné par le manque de talent de ces gens au contraire.
Bref, c'est sympa mais Bresson aurait pu aller plus loin dans sa démarche.