Œuvre aussi factice que bouffie, Moulin Rouge agace pour tout un tas de choses, mais pas pour ses musiques. En effet, si l’on passe outre les énormes anachronismes qu’ils impliquent, les reprises de morceaux connus sont loin d’être mauvais, parvenant à donner de la pêche à certaines séquences du film. Même le côté ultra kitch du bordel Moulin Rouge en devient réjouissant, son esthétique surchargée et colorée donnant lieu à des scènes qui flattent l’œil. Mais à ce niveau, de régulières fautes de goût viennent émailler l’ensemble, notamment avec les travelings où le numérique saute aux yeux où des incohérences sensées transcender l’ambiance frivole qui règne dans la pellicule, mais pas dans la salle de projection (les vues de Paris). Mais incontestablement, ce qui nuit à Moulin Rouge dans son fond, c’est l'assèchement regrettable de l’ensemble du film, qui emporté par sa fièvre visuelle en finit par tyranniser ses personnages, et à paraître prétentieux. Prétentieux dans son humour, dont le vulgaire n’a d’égal que le ridicule des clichés qu’il manipule (les personnages secondaires sont tous tellement outranciers qu’on s’y attache peu voire pas du tout (Leguizamo, insupportable)), prétentieux/audacieux dans les chorégraphies (tellement découpées qu’il est difficile de jouir d’un beau plan pendant plus d’une seconde, dommage vu que l'ambiance est là), prétentieux dans sa tragédie (l’opportuniste fin tragique sensée grandir le spectacle, alors qu’on l’attend depuis le début du film), Moulin Rouge est une montagne stylistique où l'audace et la prétention flirtent à tous les étages, qui jongle avec la prise de risque énorme de ses choix visuels (casse gueule, il faut le reconnaître). Non, le divertissement n’est pas une frivolité extrême, assénée avec un visuel rococo flatteur et des acteurs connus. Les personnages ne dégagent que peu de sentiments, le surjeu annihilant le sérieux. On ne croit jamais vraiment à leur malheur, ni à leur bonheur, ou si peu, mais ça reste extrêmement théâtral, trop exagéré pour être honnête. Quand ils pleurent, on devine les techniciens avec des pipettes qui se planquent dans les coulisses… Moulin rouge ne dégage rien de spontané, d’authentique au niveau sentimental (les ambitions tragiques sont évidentes, trop évidentes d'ailleurs, pour laisser place à de la spontanéité). C’est une mise en scène ultra classique dans les ingrédient et exécutée avec une volonté de pousse-bouton, qui ne dépoussière le genre que dans l’approche paillettes et maquillages d'une autre époque, dont l'anachronisme kitch est la principale accroche. Partant de là, voir 2 heures aussi fades relève de l’anti-divertissement (à moins d’être partisan et d’aimer ce style, auquel cas je recommande la majorité des programmes de Disney Channel, parce qu’on nage dans le même niveau question psychologie). Même si l’œuvre finale possède une esthétique suffisamment calibrée pour s’extraire de la pauvreté des programmes de la chaîne précédemment citée (elle a accès à toutes les autres du coup), la superficialité sentimentale de l’ensemble la rend vite indigeste pour ceux qui aiment éprouver des choses devant ce qu’ils voient. Un film assommant par ses côtés blockbusters, que les amateurs de blockbuster apprécieront comme une comédie dramatique de bonne tenue.
Voracinéphile
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le 22 sept. 2013

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