avr 2012:

On peut évidemment ranger ce film dans la série des "Tontons" au côté des "flingueurs" et des "barbouzes". La verve de Michel Audiard y est autant succulente mais c'est vrai que cet opus se distingue par bien des aspects. D'abord, le plus flagrant est l'usage de la couleur, on pourrait y ajouter que le casting est réduit, mais j'y reviendrai plus tard, je veux entamer cette chronique par les points de filiation.

Par quoi commencer? C'est bien à Audiard que je pense en premier à l'évocation de cette trilogie. Et ce 3e opus est certainement tout aussi bien fourni en précieuses répliques, dentelles de mots féroces de drôlerie, tournures alambiquées à l'efficacité comique toujours ahurissante. Ce diable de dialoguiste sait y faire péter l'idée avec des mots d'argot. L'image est souvent fleurie, inattendue, peu grossière finalement, toujours frôlant la poésie où l'exquis le dispute à la farce. Michel Audiard, c'est beau à en pleurer de rire. Et ce "Ne nous fâchons pas" regorge de ces petits bonbons de phrases qui font mon régal. Alors je kiffe.

Je prends mon pied d'autant plus qu'on a là un trio d'acteurs aux petits oignons.
En maitre artilleur du dire audiardien, Lino Ventura se pose là. Parfait dans les mots comme dans les mimiques, les temps, les pauses, le jeu quoi!

Excellent, il l'est certainement grâce à Mireille Darc qui cligne des yeux et sourit avec l'effronterie de la femme sûre d'elle-même, fière, belle, forte. Elle est remarquable dans ce film.

Dans les quelques films d'Audiard où il a pu avoir de superbes lignes à porter, Jean Lefebvre se révèle souvent impeccable. Dans les "tontons", il était un peu en retrait par rapport à Bernard Blier. Ici, il rayonne avec un personnage d'une bassesse, d'une lâcheté et surtout d'une extraordinaire mauvaise foi qui sont du pain béni pour Audiard. Faire causer un cas comme celui-là est une aubaine. Ce fut pour l'acteur sans doute l'occasion de montrer à ceux qui pourraient en douter qu'il avait un véritable sens du rythme comique. Il est juste parfait. Son physique d'abruti pas fini l'aide beaucoup, évidemment. Mais il n'empêche... c'était un bon acteur quand il voulait... Dans "Ne nous fâchons pas", coup de chatte : il voulait!

L'autre grande figure du cinéma policiaro comique de cette époque est ce grand dadais de Michel Constantin. Le pauvre bougre n'est pas très bon, reconnaissons-le mais, sans doute à force de le voir côtoyer les plus grands, on s'est habitué à cette trogne et un semblant d'affection me prend à son évocation. Dommage qu'il joue si mal, il avait une si drôle de gueule!

Pimenté par une sur-excentricité que le swinging London un poil pacotillard apporte de façon tellement ubuesque, le scénario s'essaie à draguer la jeunesse. C'est une tendance du cinéma de Lautner qu'on retrouvera dans ses autres films couleurs me semble-t-il dans les années 70-80. Un peu artificielle, voire ridicule a priori, mais finalement, avec le recul, je trouve cette naïve tentative plutôt réjouissante. La musique délirante, les danses frénétiques, les couleurs pétaradantes offrent un contraste saisissant aux discussions des malfrats du temps jadis. L'effet comique est heureux. Cela tient debout. Cela donne même un sel particulier à ce film. J'aime beaucoup ces disproportions, ces incongruités stylistiques.
Alligator
8
Écrit par

Créée

le 20 avr. 2013

Critique lue 530 fois

8 j'aime

3 commentaires

Alligator

Écrit par

Critique lue 530 fois

8
3

D'autres avis sur Ne nous fâchons pas

Ne nous fâchons pas
SanFelice
8

Le Belphégor des hippodromes

"Michalon ! _ Oui ? _ Merde ! _ Bon." On connaît tous un Michalon. Un de ces boulets de classe internationale. Un mec qui pense pouvoir voler les voleurs, truander les truands, détourner l'argent des...

le 1 janv. 2016

29 j'aime

5

Ne nous fâchons pas
Ugly
7

Les concons flingueurs

Tourné après les Tontons flingueurs et les Barbouzes qui avaient amplement imposé le goût de Georges Lautner pour ces comédies policières dans lesquelles il renvoie dos à dos les as des services...

Par

le 7 nov. 2016

23 j'aime

5

Ne nous fâchons pas
-Marc-
8

"Mon honneur aurait-il eu a en souffrir?"

Ce film est une des meilleures collaborations entre Lautner et Audiard. Il n'y a pas vraiment de scène culte comme celle de la cuisine dans les tontons, mais on n'y trouve pas non plus les périodes...

le 30 mai 2014

16 j'aime

2

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime