Nell
6.6
Nell

Film de Michael Apted (1994)

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un film linguistique ! Nell se base sur l’idioglossie, ce qui n’est pas, contrairement aux apparences, l’étude de la langue des idiots, mais le phénomène consistant à créer (souvent spontanément) une langue pour soi ou un petit groupe tels des jumeaux. Elle est peut-être plus transparente sous son autre nom : la cryptophasie. Ou pas.


Nell, c’est donc aussi la personne qui idioglosse, à savoir Jodie Foster, qui tient ici un de ses rôles préférés. Les cas d’enfants sauvages ne sont plus très neufs au cinéma depuis longtemps, mais on tente d’élever son personnage au même rang d’exception que celui de L’Enfant sauvage de Truffaut ; l’actrice a d’ailleurs lu les mêmes livres qui l’ont inspiré, en version originale française parce que pourquoi pas.


On n’a en tout cas jamais assez d’une surdouée pour jouer une (prétendue) déficiente mentale, car la seule performance de la Rainwoman d’Apted aurait pu gâcher entièrement la tentative de lui donner sa propre langue. Ce n’est pas à la portée de tout le monde de baragouiner. Heureusement, & de façon un peu inattendue, personne dans la production ne semblait du genre à considérer qu’une langue fictive ne valait pas la peine d’être soignée sous prétexte que personne ne la comprendrait.


Pour nous initier à ce synopsis qui a des airs bien barbants pour tout le monde sauf moi, la caméra fait la navette entre les belles montagnes de Caroline du Nord & la civilisation en une alternance qui serait magnifiquement mise en valeur s’il ne semblait pas un peu trop aisé de déplacer deux personnages (un homme & une femme, hein, ça se voit venir) en-dehors de leur vie professionnelle jusque dans les montagnes de Nell, quoique Neeson arrivera à maintenir un brouillard surréel de gentillesse malgré l’exploration presque trop profonde de ce trait énorme dont on l’affuble. On ne peut pas être aussi élogieux pour Natasha Richardson dont la prestation est juste passable, quoiqu’on peut mentionner à sa défense la responsabilité qu’elle a hélas de ridiculiser la science & la psychologie dans la cristallisation qui est faite du cliché psychorigide affilié à sa profession.


Fortement reposée sur Foster afin de la laisser mener la danse, l’œuvre est bizarrement hypodramatique – ce dont je ne me plains pas, car si c’est monotone dans l’idée, c’est aussi d’une linéarité confortable qui ne se dispense pas pour autant de décorer le déroulé de la dose de méchanceté & d’injustice qui va bien. Cependant, il aurait fallu en faire plus afin d’offrir une catharsis digne de ce nom.


Pas excellemment équilibré autour de ses points très forts, l’opus d’Apted n’en génère pas moins une histoire respectueuse d’une marginalité souvent mise en boîte, sachant en outre transformer ses détails en petites pointes d’empathie, signes qu’Egg Pictures ne met pas tous ses œufs dans le même pas niais.


Quantième Art

EowynCwper
6
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le 19 janv. 2020

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Eowyn Cwper

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