Le cinéma évolue et se transforme, nourri des changements sociétaux, des environnements, des climats politiques et des états d’esprits. Depuis quelques années, le cinéma révèle une noirceur insidieuse donnant naissance à des films lorgnant du côté d’un esthétisme sombre, pessimiste et violent. S’éloignant petit à petit des codes classiques d’une ambiance au service d’un scénario, certains réalisateurs s’emploient à écrire un scénario au service d’une ambiance, d’un univers ou d’un personnage. On souligne une photographie, on insiste sur des compositions musicales ou l’on soigne son personnage principal, simplifiant parfois à outrance une histoire dont le seul intérêt serait au fond un message asséné avec force et non la narration à proprement parlé.
Comme ça, à chaud, je pense notamment à Nicolas Winding Refn qui, entre Drive et Only God Forgives, a imposé un style plus que des histoires, mettant les spectateurs dans la position soit de haters acharnés, soit d’adorateurs aveugles. Comme si ce cinéma, simpliste mais puissant, ne pouvait être cible de demi mesure.
J’en viens donc à Nightcrawler (évitons le fâcheux débat sur le titre français) qui vient remplir le rang de ces films-là. J’en suis sortie en me disant qu’il était « pas mal mais pas top ». Du bon, du très bon, du passable et du naze : ce fut mon point de vue en refermant la porte de la salle. Et le petit parcours pour rentrer chez moi aidant, j’ai repensé au film, à ses images, à la présence incroyable d’un Jake Gyllenhall qui enfin m’a surprise et à cette ambiance maîtrisée d’un Los Angeles nocturne effrayant. Tout cela pour me dire qu’au final, Nightcrawler est un bon film, assez précieux dans son genre tant il s’éloigne de certains codes, tout en collant parfaitement à cette mouvance de films qui hurlent leur désespoir.
En effet, même si le message du film est un remâché de beaucoup d’autres (les médias c’est le Malin), je trouve que la violence et le cynisme utilisé par Gilroy enfoncent le clou allant même jusqu’à frôler la parodie. Le personnage de Russo est en le parfait exemple tant sa réaction finale est presque incroyable.
Par ailleurs, le gros atout du film, selon moi, est le personnage de Louis. Cela faisait fort longtemps que je n’avais pas vu un aussi bon personnage, tant sur son écriture que la prestation de l’acteur. Gilroy nous le présente en 10/15 minutes au début avec des scènes assez brillantes, et par la suite, par petites touches, par de simples répliques, sa complexité nous est dévoilée. Le seul hic, selon moi, est que l’on comprend beaucoup trop rapidement comment va se terminer le film et que l’on ne faire qu’attendre à quel moment Lou va franchir sa limite. C’est fort dommage car le cynisme de ce film est à couper au couteau et son traitement est parfois un peu trop conventionnel pour lui coller parfaitement. S’agissant d’un premier film, je reste tout de même très indulgente car plusieurs scènes sont excellentes, notamment la course poursuite hallucinante. C’est pour cela que je lui attribue un petit point de plus au lieux d’un 7<3.
Cela fait du bien de voir ce genre de film, surtout sans avoir ni lu ni vu quoique ce soit s’en rapportant. Il est en effet bien rare le temps où l’on pouvait « découvrir » vraiment un film sans en avoir eu des miettes, voire des bouchées en amont. Je pense que cela a été profitable pour Nightcrawler à mes yeux.
[Bref, je relis cette critique qui est un fourre-tout sans queue ni tête mais l’ayant écrit sur plusieurs jours, je ne me sens pas de la réorganiser. Je laisse donc le soin à ceux qui le souhaitent de voir ce film, un des meilleurs de l’année, et d’écrire de meilleures critiques que celle-ci.]