Cette journée commençait bien mal pourtant, arrivé au cinéma pour découvrir que la séance de Night Call était complète et s'orienter par défaut vers celle de The Search n'augurait rien de bon. C'était sans compter sur un incroyable concours de circonstance durant lequel les deux films ont été inversés dans leurs salles respectives. Après avoir entendu les gens râler et conspuer contre la médiocrité des services proposés par le cinéma et un type ayant acheté un billet pour Night Call crier " mais c'est quoi ce film de merde, on veut le notre " avant que son ami lui rappelle que c'était justement ce qu'il avait sous les yeux, le spectacle pouvait commencer.

Je vous le dis immédiatement, Night Call va diviser, d'une part comme on a droit à beaucoup de scènes dans lequel le héros conduit de nuit, et en plus du Kavinsky, certains y vont y voir immédiatement des références à Drive puis vont pousser plus loin et faire une analogie avec Taxi Driver et la solitude. Ensuite d'autres vont plutôt s'orienter vers ce qu'ils perçoivent une apologie du rêve américain particulièrement maladroite, un peu les mêmes en fait qui ont reproché à Scorsese de rendre fun l'univers de la finance à coup de cocaïne et de sex en ajoutant un ton humoristique peu adapté. J'avais déjà trouvé à l'époque que c'était plutôt l'inverse, en mettant en avant la futilité et l'artifice de ses vies déconnectés de la réalité et en les ridiculisant à outrance, le parti pris était génial.

En ce qui me concerne, j'ai plutôt vu un digne héritier d'une pièce maîtresse de l'œuvre de Lumet, Network, certes avec un peu moins de classe peut être et avec une réalisation moins saisissante mais avec des intentions similaires. S'attaquer directement au pouvoir des médias, à cette course à l'audimat malsaine et glaciale, empreint d'un cynisme et d'une noirceur difficile à digérer.
Et quoi de mieux pour poser cette base que d'utiliser le regard d'un personnage aussi bien fascinant qu'abject sous les traits d'un Jake Gyllenhaal méconnaissable. Terrifiant à souhait, aussi bien dans sa façon de communiquer avec ses congénères pour qui il semble ne pas ressentir la moindre émotion que lorsqu'il s'octroie un sourire qui durant quelques secondes semble refléter le monstre qui se cache prêt à dévorer quiconque se mettra en travers de son chemin. Un homme totalement obsédé par sa réussite avec un business plan tout tracé et prêt à faire parler sa caméra dans n'importe quelle situation pour dégotter la une du soir.

Night Call est une œuvre saisissante, déshumanisée, troublante et pourrie de l'intérieur, mais elle n'est qu'une vitrine de notre société. À l'heure où des décapitations font un buzz incroyable et génèrent des millions de téléchargement, comment se plaindre que certains essaient de construire un empire autour de ça et fournir la substance pour assouvir le désir toujours glauque de certains pour le sensationnel. Où est la limite à ne pas franchir, quelles sont les conséquences, le récit posé à mon sens les bonnes questions tout en conservant un angle intéressant. S'il ne pose pas un jugement de valeur, il pose un jugement de fait sans avoir besoin de prendre la main son spectateur qui avec un peu de bon sens n'a pas besoin qu'on lui martèle que tout ceci est mal.
Porté par un Jake Gyllenhaal magistral, Night Call fait mouche aussi bien dans sa forme que dans son fond, un film glaçant de réalisme que je vous recommande à tous.

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