Sur le conseil avisé de Jason_Brody j’ai vu Night Call hier soir. Vraiment un bon film, bien rythmé avec une bonne réalisation, j’ai été pris par l’histoire. Cependant, fait étrange, j’ai ressenti par la suite une sorte de malaise. Après un petit travail d’introspection j’ai compris l’origine de cette sensation amère. Au travers de Night Call, j’ai perçu une vision de notre monde : la course médiatique effrénée au scoop, la recherche du sensationnel et du morbide.
Jake Gyllenhaal livre une performance excellente. Son personnage Lou Bloom est très dérangeant : visage émacié, regard fixe, démarche raide, sourire figé. Tout en lui dénote un comportement asocial. Quant en plus on lui ajoute une Intelligence froide et une rationalité affûtée comme un rasoir, le malaise ne peut que accroître. Si la Désempathie était personnifiée, elle s’appellerait vraisemblablement Lou Bloom.
Il se révèle être particulièrement doué en tant que nécrophage des images, son cynisme assumé en gêne certains et en attire d’autres, telle la directrice des infos matinales (très bien interprétée par René Russo). Ces images putrides assureront sans aucun doute de gros succès d’audience.
L’atmosphère électrique et sombre de Los Angeles, le halo des lumières, les longues avenues vides renforce le côté prédateur du travail de ces reporters. Ce film pourrait être un document animalier sur les charognards de l’information.
Night call sonne comme un douloureux écho à ce qu’on a vécu en début d’année 2015 : journalistes au plus proche de l’action suivis par des spectateurs avides d’images choc : du drame, du sang mais pas trop, il faut que cela reste graphique.
Ce film agit tel un projecteur sur notre voyeurisme : mise en scène de la réalité, priorité au direct, il faut à tout prix que ça buzze. C’est le genre d’éléments parfois nauséabonds que l’on perçoit dans nos médias.
Si on peut imaginer un Lou Bloom, c’est qu’il existe un système médiatique qui opportunément s’assoit sur toute notion déontologique, tout comme il existe ausi une audience friande d’images choc et sordides.
Et oui, Night Call me rend photophobe à un fait pourtant brillant: moi comme tant d’autres sommes des sociopathes…