La nuit m'a vu naitre. Scorie d'une ville qui m'ignore, déchet d'une société qui me rejette. Il y a tellement de lumières qui brillent... je sais que certaines me regardent.
Je suis un voleur. Je dérobe les montres, je pille les idées, je détourne la misère. La télé m'a bien éduqué, je régurgite tout ce qu'elle a vomis. Je m'élève en écrasant les autres, je m'abreuve aux deux mamelles de cette société, cynisme et pragmatisme. Je sais flatter les orgueils, exploiter les faiblesses, briser les consciences. Le rêve américain m'a formaté, je participe activement à sa déliquescence.
Je suis un psychopathe, je n'éprouve rien pour mes congénères. Ils sont des animaux que je manipule pour arriver à mes fins. Mettre en scène leur violence, leur égoïsme. Éliminer ceux qui me font obstacle. Avec le sourire, calmement, la froideur et la distance du serpent qui va morde. Je suis un sauveur, j'extrais les faibles de leur quotidien aliénant, je les nourris du malheur des autres. Se repaître de la détresse d'autrui, digérer ce voyeurisme nauséabond, ils aiment ça, il en redemandent toujours plus. Ils se sentent mieux, flottant à la surface des larmes des autres. La souffrance des autres est un soulagement.
Mon égo a besoin de reconnaissance, d'admiration. Je méprise mon partenaire, ma productrice et mes confrères. Je vois la mort en face, la mienne et celle des autres. Elle ne m'effraie pas car elle fait partie de moi. Mon œil est un objectif, froid, un regard vide et sans état d'âme. j'enregistre les chairs, j'imprime le sang, j'absorbe la lumière. La vie n'a de la valeur que lorsque qu'elle disparait. A cet instant, je suis là, aux aguets, prêt à la piéger dans mes filets numériques.
Allumez votre tv, surfez sur internet, laisser-vous happer par la moindre fenêtre de pixels. Je serai toujours là car je suis l'avenir.