No Geriatrie for Old Men.
Allez savoir pourquoi, en lançant ce film je pensais regarder un drame sur la vieillesse. J'ai dû inconsciemment faire un amalgame avec Amour de M. Haneke mais force est de constater que je ne regrette pas d'avoir choisi le film des frères Coen; réalisateurs dont j'essaie d'actualiser la filmographie avec laquelle j'ai du retard. Mais d'une certaine manière il y a de l'Amour dans ce film. L'amour de la réalisation soignée et du tempo maîtrisé ! Sous ses airs de chasse à l'homme, No Country for Old Men est une oeuvre violente et singulière qui fascine le spectateur.
Josh Brolin est un chasseur qui mène une vie simple et sans relief jusqu'au jour où il débarque sur la scène d'un mortel règlement de compte de dealers en plein désert. Il s'empare de l'argent et dès lors il est pris en chasse par Javier Barden, un psychopathe engagé pour récupérer l'argent du deal. C'est sans compter sur Tommy Lee Jones, shérif de son état, qui va prendre part à cette traque mortelle à travers les Etats-Unis pour limiter la casse et accessoirement se prouver quelque chose à lui même. Trois personnages que tout oppose mais réunis pour une fable moderne violente et détachée.
Car violent et détaché, le film l'est et J. Barden incarne à merveille ces éléments. Armé d'une "je vous laisse la surprise de la découverte" il abat sans sommation tous ceux qui croisent son chemin. Personnellement j'ai trouvé ça classe et original. Sa prestation de psychopathe est édifiante et son regard bovin (atteint de Creutzfeld Jacob dans son cas) ne laissera personne indifférent tant il met mal à l'aise. Même si ses deux compères s'en sortent bien dans leur rôle respectif, leurs prestations sont éclipsées par celle du tueur. Juste mémorable.
Avoir des "Gueules" c'est bien mais les employer sur une réalisation qui envoie du lourd c'est mieux. Les Coen l'ont compris et nous offrent des plans travaillés qui magnifient de superbes paysages. A travers les grands espaces texans, on en prend plein les yeux et le découpage de l'intrigue finit de titiller profondément le spectateur qui sent monter la tension à mesure que l'étau se resserre autour de Josh Brolin. Je me suis vraiment attaché au chasseur chassé et à son prédateur. Plus qu'à T. L. Jones qui a été utilisé comme étalonnage pour le récit.
Car oui, au delà du récit de la traque, les frères Coen nous gratifient d'une remise en question de la place d'un homme au sein de la société américaine des années 80; la place du shérif qui peine à suivre la macabre piste menant à J. Barden. En un certain sens, voir les forces de l'ordre dépassées à ce point ça m'a un peu rappelé Memories of Murder de Bong Joon-Ho. A la différence que les deux frères esquissent les états d'âme du shérif quand le réalisateur coréen dresse un constat d'une situation à l'instant T. J'ai trouvé ça astucieux et rafraîchissant.
Pour résumer, No Country for Old Men est un film moderne, violent, punitif et doté d'une réalisation et d'une mise en scène solides. Un film fascinant et captivant. Une pure réussite !