Un film très intéressant, très personnel qui fait preuve d’une véritable réflexion de fond. Le réalisateur n’a pas cherché à suivre fidèlement le récit biblique, il passe très rapidement sur certains passages, en laisse de côté d’autres (par exemple : le passage biblique dans lequel Dieu donne à Noé les dimensions de l’arche) et par contre il en ajoute de son invention. Cela a irrité de nombreux chrétiens catholiques. Je le suis également et pourtant je n’ai pas du tout été choquée par ce film, peut-être parce que je n’appartiens pas à la frange des catholiques qui souffrent de repli identitaire…
Par sa réalisation, ce film nous invite à nous poser des questions : qui est juste, qui est coupable ? Voir, entre autres, le dialogue entre Noah et sa femme : les deux regardent leurs enfants de manière bien différente. Le mal présent en chaque homme justifie-t-il une extermination de l’humanité ? Combien de personnes raisonnent ainsi et même si nous ne voulons pas supprimer physiquement l’autre, nous cherchons souvent à le supprimer en le faisant disparaître de notre existence, en le neutralisant d’une manière ou d’une autre. Le film pose aussi la question du visage de Dieu ; il donne également à réfléchir sur le rapport de l’homme aux animaux : la consommation de viande liée à la violence ; il pose la question : qui est plus important : l’homme pécheur ou les animaux innocents ? La thèse que défend Noah à un moment : il faut que l’espèce humaine disparaisse entièrement et celle de Caïn : les animaux sont inférieurs à l’homme et l’homme a été appelé à les dominer reflètent des courants de pensée contemporains. Certains mouvements souhaitent la disparition de l’espèce humaine pour que la planète terre soit sauvée ; d’autres au contraire, prônent l’exploitation sans retenue de la nature puisque Dieu a ordonné à l’homme dans la Bible de se soumettre toutes choses.
Le film rend très bien le genre mythique du récit de Noé : avec la présence des veilleurs, avec la représentation non réaliste des espèces animales.
La violence qui s’est emparée du monde est également très bien rendue par certaines scènes de combat, mais aussi par les paysages de désolation.
J’ai beaucoup aimé la mise en scène du récit de la création quand Noah raconte à sa famille ce qu’il a lui-même appris de son père.
Ce film est à mes yeux une belle réussite qui nous invite à un voyage intérieur et à une prise de position par rapport à nous-mêmes, aux autres, aux animaux, à la nature.