Les 250 minutes de Norte commencent par une envoûtante scène de salon étudiant : Fabian, personnage brillant aux ambitions idéologiques troubles ( Est-il anarchiste ? Nihiliste ? ) refait le monde en compagnie de ses camarades, pérorant sur l'hégémonie néo-libérale du système politique contemporain. Intellectuel vaniteux et sans le sou, cousin germain en esprit du Raskolnikov de Crime et Châtiment Fabian est, sera l'un des deux personnages principaux de ce film-fleuve réalisé par le philippin Lav Diaz, passionnante reconstitution de la montée du fascisme dans ses contrées natales...


Puissant, terrassant et pratiquement palpitant Norte déploie sur ses quatre heures de métrage de longs plans tous plus subjuguants les uns que les autres. Entre le récit du terrifiant Fabian - d'abord idéaliste contrarié puis finalement criminel incontrôlable - et celui du bienveillant Joaquin incarcéré au sortir d'une erreur judiciaire Lav Diaz accouche d'une oeuvre monstrueuse et magnifique dans le même mouvement de profonde simplicité. Témoignage effroyable des aspirations néfastes à une cause politique donnée Norte s'inscrit logiquement dans les préoccupations intellectuelles et existentielles du réalisateur philippin, montrant un enfer pavé de bonnes intentions mais déstructurant pour son protagoniste terriblement antihéroïque.


Quatre heures de pur cinéma qui dévoilent également le versant opposé à la figure tyrannique de Fabian en la personne de Joaquin, idiot dostoïevskien aux agissements bons et de fait entièrement gratuits. Lav Diaz nous laisse partager les côtés sombres et lumineux de l'Humanité en accordant autant d'importance à l'oppresseur qu'à l'opprimé, redéfinissant la durée cinématographique à renfort de plans-séquence proprement délectables. Un véritable plaisir !

stebbins
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le 11 sept. 2021

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