Nuages d'été
7.6
Nuages d'été

Film de Mikio Naruse (1958)

Un film qui passe... comme des nuages d'été dans le ciel me direz-vous avec malice. Si, si. Hé bien oui. Un film sur le temps qui passe et qui rend nostalgique, qui interroge sur son rapport à la société qui bouge plus vite que soi. Et j'aime bien ce genre de film.

Quand en plus, il s'inscrit dans une histoire familiale, une chronique douce et amère parfois, quand il pénètre un quotidien en s'y ancrant de manière tout fait réaliste (j'exagère un peu, voir le casting), faisant le portrait d'un Japon des années 50 en pleine mutation économique, sociale et culturel, alors je me laisse aller à suivre délicatement et avec attention la tournure des évènements.

Surtout, je me surprends à être attaché à ses personnages profondément humains. On est frappé par la grande et fraîche capacité de communiquer de ce petit monde rural, malgré les bouleversements qu'il connait. Pourtant en conflit, entre parents soucieux de léguer un maigre patrimoine agricole et une jeunesse qui veut s'extirper au plus tôt de cette misère pour aller trouver un travail salarié urbain, les personnages parviennent à exercer avec franchise et courage leur expression, malgré les désaccords, malgré les angoisses. Chacun réussit à s'exprimer, à écouter l'autre. Une attitude collective étonnante qui peut être lue comme un artifice didactique. "Voilà comment le Japon change et doit changer. Prenez-en votre parti et changez!" J'y ai songé. Mais je l'ai refusé ensuite pour prendre un plaisir très satisfaisant.

En effet, le film n'a rien d'une bluette, même sociale. On y rajeunit, on s'y fatigue, on y souffre, on y a peur, on sourit, on rit, on affronte avec courage ou colère l'avenir et l'inconnu. On y aime. Ces familles m'ont ravi. Par leur art de vivre leur époque, leur aptitude à se parler, qui ne se manifeste pas forcément de suite mais après mûre réflexion (je pense au père, je crois que c'est Keiju Kobayashi, ce type m'a épaté et surtout ému), leur courage devant les épreuves de l'amour déçu (je pense à l'admirable et magnifique Chikage Awashima). Les comédiens sont très bons, sans extravagance, simples, directs, sans fioriture et d'une élégance folle. Les jeunes femmes sont un peu trop belles et pimpantes d'ailleurs pour figurer des paysannes mais passée cette incongruité criante, elles réussissent à donner néanmoins une vraie consistance à leurs personnages.

En somme pour mon premier Naruse, je suis conquis.
Alligator
9
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le 11 févr. 2013

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Alligator

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